Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/136

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nal de Rossi[1]; ces figures ne paraissent pas peintes mais en relief. On peut distinguer le tissu du velours et on croit entendre le froissement du damas dont le pape est revêtu. Les fourrures sont d’une souplesse parfaite ; l’or, la soie et le lustre des étoffes sont rendus avec une vérité incroyable. Il y a encore un livre relié en vélin et orné de miniatures, et une sonnette d’argent peinte de manière qu’on ne saurait dire combien c’est beau. Mais ce qui est au-dessus de tout éloge, c’est la boule d’or du fauteuil où siège le pape, et qui reflète en guise de miroir [si grande est sa clarté] les fenêtres, les épaules de sa Sainteté et les murailles de la salle. On peut dire avec assurance qu’aucun maître ne pourra jamais atteindre à cette perfection. Ce tableau, qui est encore à Florence dans la garde-robe du duc, valut une riche récompense à Raphaël. Il mit autant de perfection dans les portraits des ducs Laurent et Julien ; on les voit aujourd’hui, à Florence, chez les héritiers d’Ottaviano de’ Medici[2]. La gloire et la fortune de Raphaël s’accroissaient chaque jour ; aussi, pour laisser de lui un monument, éleva-t-il un palais dans le Borgo Nuovu, à Rome, que Bramante construisit en béton[3]. La réputation que tant de beaux ouvrages avaient acquise à Raphaël s’étant étendue jusqu’en France et en Flandre, Albert Durer, peintre allemand d’un haut mérite, et graveur sur cuivre d’admirables estampes, lui paya son tribut d’hommages et lui envoya son portrait peint à la gouache, par lui-même, sur une toile extrêmement fine[4]. Les lumières étaient obtenues au moyen de la transparence de la toile, sans employer de blanc, et les ombres étaient faites à l’aquarelle. Cette œuvre parut admirable à Raphaël, qui envoya à Durer plusieurs dessins de sa main[5], ce qui fut très agréable à Durer. La tête de Durer est actuellement à Mantoue, entre les mains de Jules Romain héritier de Raphaël.

Ayant considéré la manière des estampes faites par Albert Durer, et désireux de montrer ce qu’il pouvait faire dans ce genre, il le fit étudier à Marc Antoine de Bologne, dont les progrès furent si rapides que bientôt il lui fit graver ses premières œuvres, telles que le Massacre des Innocents, la Cène, le Neptune et la sainte Cécile dans l’huile bouillante. Marc Antoine exécuta ensuite un certain nombre de gravures pour

  1. Actuellement au Palais Pitti.
  2. Ces portraits sont perdus.
  3. Ce palais n’existe plus.
  4. Ce portrait est perdu.
  5. Il y en a un, à la collection Albertine de Vienne, avec une inscription de Durer, datée 1515.