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Sebastiano de Venise, après la mort de Raphaël et celle d’Agostino[1].

Raphaël était alors parvenu à un tel point de grandeur que Léon X voulut qu’il commençât la grande salle supérieure du Vatican, où se trouvent les victoires de Constantin[2]; il s’y mit aussitôt. Le pape désira pareillement faire tisser de riches tapisseries d’or et de soie de haute lisse, pour lesquelles Raphaël dessina et coloria lui-même tous les cartons, en même grandeur. On les envoya en Flandre et les tapisseries furent transportées à Rome aussitôt leur achèvement. Cette œuvre fut si admirablement exécutée qu’elle excite l’admiration à la regarder et à penser qu’on soit arrivé à rendre, avec de simples fils, tous les détails des cheveux et de la barbe, toute la souplesse des chairs, et ces eaux, ces bâtiments, ces animaux que l’on ne croit pas tissés, mais peints au pinceau. Ces tapisseries coûtèrent 70.000 écus, et sont conservées dans la chapelle du pape[3].

Raphaël peignit sur toile, pour le cardinal Colonna, un saint Jean[4] qui est actuellement à Florence, chez Messer Francesco Benintendi. Il fit ensuite, pour le cardinal Jules de Médicis[5], vice chancelier, la Transfiguration du Christ[6] qui devait être envoyée en France ; il poussa à la dernière perfection ce tableau auquel il travaillait sans relâche. On y voit le Christ transfiguré sur le mont Thabor au pied duquel les onze Apôtres attendent son retour ; un jeune possédé leur est amené, afin que le Christ le délivre, lorsqu’il sera descendu. Agité par des convulsions violentes, l’enfant se jette en arrière, en poussant des cris et en roulant des yeux hagards ; il montre sa souffrance par sa chair, ses veines et son souffle qui dénotent la présence de l’esprit malin, et tout pâle il fait ce geste de frayeur. Un vieillard le soutient, qui le tient embrassé et assure son courage, les yeux grands ouverts et pleins de lumière. Ses sourcils relevés et son front plissé indiquent à la fois la résolution et la frayeur ; en même temps, regardant fixement les Apôtres, il semble mettre son espérance en eux et reprendre courage. Une femme, la principale figure de ce tableau, à genoux devant les disciples, se tourne vers eux, et, indiquant

  1. Survenue le 10 avril 1520.
  2. Peintures de ses élèves, particulièrement Jules Romain et Francesco Penni.
  3. Au nombre de dix, actuellement au Vatican. Les cartons sont au Musée de South Kensington à Londres.
  4. Aux Offices.
  5. Qui fut pape sous le nom de Clément VII.
  6. Peinte pour la cathédrale de Narbonne, actuellement à la Pinacothèque du Vatican. La partie supérieure est seule de Raphaël ; le bas a été terminé par Jules Romain.