Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/147

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chapeau de cardinal, en récompense de ses peines, et pour honorer son mérite. Léon X, en effet, projetait une promotion nombreuse, et, parmi les candidats, certes plus d’un avait moins de mérite que Raphaël.

Celui-ci, pendant ce temps, continuait à se livrer, en secret et sans mesure, aux plaisirs de l’amour, et il arriva, une fois entre autres, qu’il abusa de ses forces ; étant retourné chez lui avec une fièvre ardente, les médecins crurent qu’il s’était refroidi[1]. Mais lui ne voulant pas avouer le désordre auquel il s’était livré, les médecins le saignèrent imprudemment, en sorte qu’il s’affaiblit encore davantage, alors qu’il avait besoin de réparer ses forces. Il fit donc son testament, et tout d’abord, en bon chrétien, renvoya de chez lui sa maîtresse, en lui laissant de quoi vivre honnêtement. Il partagea ensuite sa fortune entre deux de ses élèves, Jules Romain, qu’il aima toujours beaucoup, Giovan Francesco de Florence, surnommé Il Fattore, et je ne sais quel prêtre d’Urbin, son parent. Il ordonna de restaurer de ses deniers, dans l’église de Santa Maria Ritonda[2], une des chapelles, qu’il choisit pour sa sépulture et repos éternel, et d’y élever un autel avec une statue en marbre de la Vierge ; il institua son exécuteur testamentaire Messer Baldassare da Pescia, qui était alors dataire du pape. Enfin, après l’aveu de ses fautes et ayant reçu l’absolution, il termina ses jours[3] à l’âge de trente-sept ans, le même jour que celui de sa naissance qui fut le vendredi-saint ; il est à croire que son âme a orné le ciel, comme son génie a embelli le monde. Raphaël mort fut exposé dans la salle même où il travaillait ; derrière sa tête se trouvait le tableau de la Transfiguration, qu’il avait terminé pour le cardinal de Médicis ; le rapprochement de cette image en quelque sorte vivante et du corps inanimé causait une douleur poignante à tous les assistants. Ce tableau fut placé ensuite par le cardinal au maître-autel de San Pietro in Montorio. Les obsèques de Raphaël furent célébrées avec tous les honneurs dus à son noble génie : il n’y eut pas d’artistes qui ne pleurât de douleur et ne tint à l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure. Cette mort accabla également toute la cour du pape, parmi

  1. Il mourut probablement d’une fièvre paludéenne. Lettre d’Alf. Pauluzzi au duc Alphonse d’Esté, Rome, 7 avril 1520 : Raph. da Urbino e morto di una febre continuo et acuta, che già octo giorni l’assalto. Il fut malade quinze jours.
  2. Autrement dit le Panthéon d’Agrippa.
  3. Le 6 avril 1520. Après la mort de Bramante, Léon X, par bref du 1er août 1515, l'avait nommé architecte et surintendant de Saint-Pierre, aux appointements de 300 scudi d'or par an.