Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/157

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fenêtres et des portes jusqu’à l’étage supérieur sont très apparents ; entre le premier et le deuxième étage, leur saillie est beaucoup moindre. L’ouvrage en était là lorsque Benedetto quitta Florence. Précisément dans le même temps, le Cronaca revenait de Rome. Filippo Strozzi, s’étant abouché avec lui, trouva si bien le modèle de la cour et de la corniche qui fait le tour extérieur du palais, qu’il voulut que tous les travaux passassent par ses mains, et qu’il se servit toujours de lui dans la suite. Outre la beauté de l’extérieur qu’il orna dans l’ordre toscan, le Cronaca fit donc un magnifique entablement corinthien, dont on ne voit aujourd’hui que la moitié d’achevée. Certes, on ne peut rien faire ni rien désirer de plus beau. Pour cette corniche, le Cronaca s’était inspiré d’un fragment antique, qui est à Rome à Spogliacristo, et qu’il avait mensuré. À la vérité, il en augmenta les proportions pour l’usage auquel on le destinait, et l’on peut dire qu’il imita avec un tel art l’œuvre d’autrui, qu’il se l’appropria complètement. Il conduisit donc cette corniche sur la moitié du pourtour extérieur du palais, et il l’orna de dentelures et d’oves, contrepesant les pierres, en sorte qu’elles fussent équilibrées et liées, et qu’on ne saurait voir de maçonnerie mieux faite et mieux entendue. Toutes les autres pierres de ce palais sont si bien coupées et appareillées, que le bâtiment paraît taillé dans un seul bloc. Pour que tout fût en harmonie, il fit exécuter par Niccolo Grosso Caparra, serrurier florentin, d’admirables ferrements, et en particulier les lanternes placées au coin de l’édifice[1]. Aucun moderne n’a travaillé avec tant de science et d’habileté d’aussi grandes et difficiles machines. Niccolo Grosso, homme bizarre et têtu, ne consentit jamais à faire crédit à personne. Il exigeait toujours des arrhes, c’est pourquoi Laurent de Médicis l’appelait Caparra[2], nom qui lui est resté. J’ai fait mention de ce Caparra, parce qu’il fut unique dans son art. Il a été et sera toujours sans rivaux, comme le prouvent les ferrements et les magnifiques torchères du palais Strozzi, que Cronaca termina et orna d’une admirable cour dans les ordres dorique et corinthien ; les fenêtres, les chapiteaux, les corniches et les portes sont d’une grande beauté, et s’il semble à quelqu’un que la distribution intérieure ne répond pas à l’extérieur, que l’on sache que la faute n’en est pas au Cronaca qui fut obligé de se subordonner aux sujétions imposées par ceux qui l’avaient précédé, et qui n’eut pas peu à faire pour amener le palais au degré de beauté où nous le voyons. Il en est

  1. Toujours en place.
  2. Qui veut dire arrhes en italien.