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et mettre à la question. Pellegrino, reconnu innocent, fut mis en liberté et, justement indigné de la lâche accusation de son ancien ami, lança contre lui un libelle où il le maltraitait si fort que le Rosso se vit perdu d’honneur. Il sentit qu’il ne pouvait ni se dédire, ni poursuivre ces accusations, et que l’un ou l’autre de ces partis le couvrirait également d’infamie : alors il résolut de se donner la mort. Un jour que le roi était a Fontainebleau, le Rosso envoya chercher à Paris, par un paysan, des liquides empoisonnés, sous prétexte qu’il en avait besoin pour composer des couleurs ou des vernis. Il mit aussitôt fin à ses jours à l’aide de ce poison, dont les effets étaient si violents, que le paysan, en l’apportant, manqua perdre un doigt, pour l’avoir placé, un instant, sur l’ouverture de la fiole, quoi qu’elle fût bouchée soigneusement avec de la cire. Le roi François Ier fut vivement affligé de la perte de l’artiste qu’il estimait le plus ; mais pour que ses travaux n’en souffrissent point, il en confia la direction à Francesco Primaticcio de Bologne, auquel il donna une bonne abbaye, de même qu’il avait gratifié le Rosso d’un canonicat.

Le Rosso mourut l’an 1541[1], laissant à ses amis et aux artistes de profonds regrets et leur apprenant combien on gagne auprès d’un prince comme François Ier, qui était universel, affable et courtois dans toutes ses actions. Il a mérité et mérite encore, à beaucoup de titres, d’être admiré et d’être regardé comme un souverain vraiment excellent.



 

Jacomo PALMA et Lorenzo LOTTO
Peintres vénitiens ; le premier, né en 1480 ( ?), mort en 1528 ;
le second, ne en 1480, mort en 1554 ( ?)

Bien que Palma[2], peintre vénitien, ne fût pas un maître excellent ni rare dans la perfection de la peinture, néanmoins, sa manière est si soignée et il s’appliqua tellement à vaincre les difficultés de l’art, que ses œuvres, sinon toutes, au moins une grande partie, ont du bon, par leur vive imitation de la nature humaine. Son coloris est plus uni, plus fondu et plus étudié que son dessin n’est vigoureux, comme on peut s’en rendre compte, à Venise, par une foule de tableaux et de

  1. À 47 ans.
  2. Né à Serinalta, dans le pays bergamasque, fils d’Antonio. Appelé communément Palma l’ancien, pour le différencier de Jacopo Palma le jeune, fils d’un de ses neveux.