Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/287

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dans le dessin. Domenico montra par ses essais qu’il deviendrait un jour un peintre excellent. Sur ces entrefaites, Pietro Perugino, peintre fameux d’alors, étant venu à Sienne[1], y laissa deux tableaux dont la manière plut à Domenico au point que, s’étant mis à les étudier et à les copier, il ne tarda pas à en prendre complètement la manière. Mais, ayant entendu parler de la chapelle de Michel-Ange, qu’on venait d’ouvrir au public, et des œuvres de Raphaël, Domenico, qui n’avait pas de plus grand désir que d’apprendre, et qui sentait qu’il perdait son temps à Sienne, prit congé de Lorenzo Beccafumi, dont il garda le nom, et s’en alla à Rome[2]. Là, étant entré à ses frais dans l’atelier d’un peintre, il exécuta de nombreux travaux avec lui, tout en étudiant les œuvres de Michel-Ange, de Raphaël et d’autres excellents maîtres, ainsi que les meilleurs marbres antiques : aussi, en peu de temps, devint-il hardi dans le dessin, abondant dans l’invention et charmant coloriste. Durant ce temps, qui n’alla pas au delà de deux ans, il ne fit autre chose digne d’être mentionné qu’une façade du Borgo avec les armes peintes du pape Jules II.

Vers cette époque, un marchand de la famille degli Spannochi conduisit à Sienne, comme nous le dirons en son lieu, Giovan Antonio de Vercelli, jeune peintre très habile et fort employé à faire des portraits par les gentilshommes de cette ville, qui fut toujours amie et protectrice des beaux génies. Domenico, qui désirait vivement retourner dans sa patrie, n’eut pas plutôt appris cette nouvelle qu’il abandonna Rome ; de retour à Sienne, voyant que Giovan Antonio avait une profonde connaissance du dessin, dans lequel il savait que consiste l’excellence des artistes, non content de ce qu’il avait appris à Rome, il se livra avec ardeur à l’étude de l’anatomie et du nu, et il en tira si bon profit que bientôt il fut tenu en haute estime dans cette noble cité. Il ne fut pas moins aimé pour son caractère et ses bonnes mœurs que pour son talent ; car autant Giovan Antonio, que l’on avait surnommé le Sodoma, à cause de ses relations intimes avec des jeunes gens à tournure efféminée, tenait une conduite déréglée, licencieuse et bestiale, autant Domenico menait une vie retirée, honnête et chrétienne. Cependant, comme ces gens que l’on appelle bons et joyeux compagnons sont plus recherchés que les hommes vertueux et rangés, la plupart des jeunes Siennois se laissaient entraîner par le Sodoma, le proclamant un homme absolument unique. Ayant constamment dans

  1. En 1508-1509.
  2. Vers 1510.