voir son fils héritier de son art et de sa fortune, le mit dans sa boutique à dessiner avec ses apprentis ; car alors, on n’était pas réputé bon orfèvre si l’on n’était pas bon dessinateur et si l’on ne savait pas bien travailler en relief. Baccio profita des leçons de son père, et travailla avec ardeur dès ses premières années en concurrence de ses compagnons, entre lesquels il se lia particulièrement avec le Piloto, qui plus tard devint un excellent orfèvre, et avec lequel il allait souvent dans les églises dessiner d’après les œuvres des bons peintres, et faisait des modelages, imitant en cire quelques œuvres de Donato et de Verrocchio. Étant encore très jeune, il allait souvent dans l’atelier de Girolamo del Buda, peintre assez ordinaire qui habitait sur la place San Pulinari[1] ; un jour qu’il était tombé une grande quantité de neige et qu’on en avait fait un tas énorme sur la place, Girolamo dit à Baccio, comme pour le plaisanter : « Baccio, si cette neige était du marbre n’en formerait-on pas bien un beau géant, comme la figure couchée de Marforio ? — Oui, certes, répondit Baccio, et c’est facile à faire. » Aussitôt il jette son manteau, appelle quelques camarades à son aide, et exécute un Marforio couché, long de huit brasses, à la grande surprise de Girolamo et des autres assistants, qui restèrent émerveillés, non tant de ce qu’il avait fait, que de voir un si petit garçon avoir eu le courage d’entreprendre un aussi grand travail. De fait, Baccio ne tarda pas à montrer qu’il préférait la sculpture à l’orfèvrerie ; étant allé à Pinzirimonte[2], villa achetée par son père[3], il faisait poser devant lui les laboureurs dépouillés de leurs vêtements et les retraçait avec succès, en faisant de même des bestiaux de la ferme. Dans ce temps, il se rendait tous les matins à Prato, qui était proche de la villa, et il y restait toute la journée à copier, dans la chapelle de l’église paroissiale, les œuvres de Fra Filippo Lippi ; il ne s’arrêta que lorsqu’il eut tout copié, imitant parfaitement la manière de Filippo ; il maniait déjà très adroitement la pointe, la plume, les crayons rouge et noir, pierre tendre qui vient des montagnes de France, et avec laquelle on peut dessiner avec beaucoup de finesse.
Michelagnolo, voyant l’ardeur et l’inclination de son fils, ne voulut pas s’y opposer et sur le conseil de ses amis, le confia aux soins de Giovanfrancesco Rustici un des meilleurs sculpteurs de Florence, dans la boutique duquel Léonard de Vinci venait fréquemment. Celui-ci,