Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/295

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désireux d’apprendre à peindre, étant fermement convaincu de pouvoir égaler, voire surpasser Michel-Ange, aussi bien en peinture qu’en dessin. Il avait fait le carton d’une Léda tenant l’œuf de cygne, dont sortaient Castor et Pollux, et il voulait peindre à l’huile, pour faire croire que, sans avoir jamais tenu une brosse ni une palette, il avait trouvé de lui-même tous les secrets de l’art. Pour parvenir à son but, il imagina l’expédient suivant : il pria son ami Andrea del Sarto de lui faire son portrait à l’huile, comptant qu’il en ressortirait deux avantages pour lui : le premier de voir comment on mélange les couleurs, le second de pouvoir examiner le tableau et la manière dont il était peint, puisqu’il devait lui rester et qu’il aurait été exécuté devant lui. Mais Andrea le devina, et fut indigné d’une telle défiance et d’une telle ruse, car il était prêt à lui prouver sa bonne volonté s’il l’en eût prié. Aussi, sans montrer qu’il avait pénétré ses intentions, au lieu d’établir les tons sur sa palette, comme à l’ordinaire, il attaqua ses couleurs avec tant de hardiesse et de promptitude, que Baccio, forcé d’ailleurs de rester tranquille et assis, fut complètement désappointé et ne put apprendre ce qu’il voulait savoir. Il essaya ensuite de peindre à fresque, sur la façade de sa maison, des têtes, des bras, des jambes, des torses, coloriés de diverses manières ; mais voyant qu’il éprouvait plus de difficultés qu’il n’avait pensé, à cause du séchage, de l’enduit, il revint à la sculpture et exécuta un jeune Mercure en marbre, haut de trois brasses, tenant une flûte à la main. Cette figure, fort estimée, fut achetée l’an 1530 par Giovanbatista della Palra, et envoyée au roi de France, François Ier. Pendant plusieurs années, Baccio s’appliqua avec ardeur à l’étude de l’anatomie : il n’épargnait aucune peine, travaillait sans relâche et ne songeait qu’à surpasser les artistes qui l’avaient précédé : noble ambition qu’on ne peut assurément trop louer. Il produisit une foule de dessins, et fit graver par Agostino de Venise une Cléopâtre nue et des études anatomiques[1] qui lui firent beaucoup d’honneur. Puis il modela en cire un saint Jérôme, d’une brasse et demie de hauteur, dont la dure pénitence était montrée par sa maigreur, ses muscles affaissés, sa peau ridée et desséchée. Tous les artistes et Léonard de Vinci particulièrement, dirent de cette œuvre qu’on n’en avait jamais vue de si bien réussie, dans ce genre.

À cette époque, on travaillait dans l’Œuvre de Santa Maria del Fiore, à quelques Apôtres en marbre destinés à orner les petites chapelles

  1. Planche connue sous le nom de Scheletri di Baccio ; signée : A. V. 1518.