toutes les semaines, au pape des rapports odieux sur les citoyens et les magistrats ; cette conduite infâme le fit haïr plus que jamais. Quand le duc Alexandre revint à Florence, les citoyens lui montrèrent les sinistres manières que Baccio avait avec eux, et il en résulta que l’exécution du colosse était empêchée et retardée par eux, autant qu’ils le pouvaient.
L’orfèvre Michelagnolo, son père, était mort en laissant inachevée une grande croix d’argent, ornée de bas-reliefs représentant la Passion de Notre-Seigneur, qu’il avait entreprise par l’ordre du pape[1], pour les fabriciens de Santa Maria del Fiore. Cet ouvrage, avec bon nombre de matières d’argent, tomba entre les mains de Baccio, qui supplia Sa Sainteté d’en confier l’achèvement à son ami Francesco del Prato. Mais le pape, devinant que Baccio voulait non seulement se faire rembourser les travaux de son père, mais encore gagner quelque chose sur ceux de Francesco, lui enjoignit de rendre aux fabriciens les sujets ébauchés, ou terminés, pour en régler le compte et les matières d’argent pour les fondre et les employer aux besoins de l’église, qui avait été dépouillée de ses ornements pendant le siège. Il lui fit remettre cent florins d’or, et lui ordonna de terminer le colosse. Comme il y travailla sans relâche, il fut terminé l’an 1534, mais tous les citoyens en disaient tant de mal que le duc Alexandre ne se souciait point de le faire poser sur la place.
Depuis plusieurs mois, le pape était de retour à Rome, et comme il désirait faire élever, dans la Minerva, deux tombeaux en marbre, pour Léon X et pour lui, Baccio prit cette occasion pour aller à Rome, et le pape lui dit qu’il lui donnerait à faire les deux tombeaux, dès que le colosse serait en place. Il écrivit aussi au duc Alexandre de donner à Baccio toute commodité pour effectuer cette opération ; on jeta donc une fondation et l’on édifia dessus un piédestal en marbre, sous lequel on déposa des médailles à l’effigie de Clément VII et du duc Alexandre, ainsi qu’une pierre couverte d’une inscription en l’honneur de Sa Sainteté. Grâce aux soins et à l’habileté de Baccio d’Agnolo et d’Antonio da San Gallo l’ancien, tous deux architectes de Santa Maria del Fiore, le groupe arriva sans accident sur la place et fut mis sur son piédestal avec une entière sécurité[2].
Il serait difficile de dire le concours de foule qu’il y eut sur la place, pendant deux jours, pour voir le colosse, dès qu’il fut découvert. De