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qu’il y travaillait. Aussi, lorsqu’elle eut été découverte, le général voulut à toute force qu’elle fût détruite ; le Mattacio, après avoir débité une foule de fariboles, voyant que le général était sérieusement en colère, habilla toutes les nudités de cette peinture qui, à la vérité, est une des meilleures qui soient dans ce couvent. Au-dessous de chacune de ces fresques, il fit deux médaillons renfermant un frère, pour représenter la série des généraux que cet ordre avait eus ; et, comme il n’avait pas leurs portraits exacts, le Mattacio fit la plupart des têtes au hasard, et, pour quelques-uns, représenta des religieux âgés qui étaient alors dans ce couvent, en sorte qu’il en arriva à représenter Fra Domenico da Lecco, qui était alors général de Tordre, comme on l’a dit, et qui lui faisait peindre cette œuvre. Mais, comme on creva les yeux ultérieurement à ces têtes, et que d’autres furent balafrées, Fra Antonio Bentivogli de Bologne les fit toutes enlever, avec assez de raison. Pendant que le Sodoma peignait ces fresques, un gentilhomme milanais[1] vint se faire moine dans le couvent ; il avait une cape jaune à passementeries noires, comme c’était l’usage à cette époque. Le général donna cette cape au Mattacio, qui l’endossa et se peignit ainsi costumé, à l’aide d’un miroir, dans l’histoire où l’on voit saint Benoît, encore enfant, raccommoder miraculeusement un vase que sa nourrice avait brisé. Au pied de son portrait, il représenta son corbeau, un singe et d’autres de ses animaux.

Cette œuvre terminée, il peignit, dans le réfectoire de Sant’Anna[2], couvent du même ordre, situé à cinq milles de Monte-Oliveto, le miracle de la Multiplication des pains et des poissons[3]. Puis il retourna à Sienne, où il orna la façade du palais de Messer Agostino de Bardi, à la Postierla, de fresques où l’on remarquait plusieurs morceaux dignes d’éloges, mais qui ont été en grande partie détériorées par les intempéries de l’air et par le temps.

Sur ces entrefaites, Agostino Chigi, riche et célèbre marchand siennois, se trouvant à Sienne, lia connaissance avec Giovannantonio, soit à cause de ses folies, soit parce qu’il avait renom de bon peintre. L’ayant emmené à Rome, par son crédit, il réussit à le placer au nombre des artistes que Jules II employait à décorer les salles du Vatican, bâties par Nicolas V[4]. Pietro Perugino, qui peignit la voûte d’une salle à

  1. Fra Gio. Ambrogio. Ses effets furent donnés à Sodoma, en plus du prix de ses peintures.
  2. Couvent supprimé.
  3. Fresque en mauvais état ; commandée le 10 juillet 1503 pour vingt écus d’or.
  4. Vers 1508.