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Monte, où est le tombeau de la bienheureuse Elena dall’Olio. Il l’envoya donc au Francia, dans une caisse, et chargea son ami de le placer sur l’autel de la chapelle, avec le cadre tel qu’il avait composé[1]. Le Francia fut enchanté de cette occasion de voir une œuvre de Raphaël. Ayant ouvert la lettre que lui écrivait Raphaël, il vit que celui-ci le priait, dans le cas où il y aurait une éraillure à son tableau, de la réparer, et pareillement, s’il y trouvait une erreur, étant son ami, de la corriger : aussi fit-il avec une grande joie sortir le tableau de sa caisse, et l’exposa-t-il à une bonne lumière. Mais telle fut la stupeur qu’il éprouva que, reconnaissant son erreur et sa folle présomption de se croire l’égal de Raphaël, il conçut un violent chagrin et mourut en peu de temps. Le tableau de Raphaël était divin : ce n’était pas une peinture, mais la réalité vivante ; il était si bien composé et si bien peint, qu’entre toutes les belles œuvres qu’il peignit pendant sa vie, bien que toutes soient miraculeuses, celle-là peut être appelée une véritable rareté. Aussi le Francia, à demi-mort de stupeur et transporté par la beauté de la peinture qu’il avait devant les yeux et qu’il pouvait comparer à celles de sa main qui se voyaient à côté, la fit soigneusement poser à la place qui lui était destinée, dans la chapelle de San Giovanni in Monte. Quelques jours après, il se mit au lit, tout hors de lui, s’estimant n’être plus rien dans l’art en comparaison de ce qu’il se croyait être et de ce qu’on disait de lui. Puis il mourut de douleur et de mélancolie, à ce que prétendent quelques-uns[2].

Toutefois, plusieurs personnes disent que sa mort fut si subite qu’à plusieurs symptômes elle parut due au poison ou à la goutte, plus qu’à toute autre chose. Le Francia fut un homme sage, d’une forte constitution et très régulier dans sa manière de vivre. Il fut honorablement enseveli par ses fils, à Bologne, l’an 1518.


 

Pietro PERUGINO
Peintre, né en 1446, mort en 1523

Dans la ville de Pérouse, naquit un pauvre homme de Castello della Pieve, nommé Cristofano[3], un fils qui, au baptême, reçut le nom de

  1. Ce cadre est encore en place.
  2. Mort le 5 janvier 1518, d’après les documents du temps.
  3. Christoforo Vannucci. Pietro, né en 1446 à Castel della Pieve, signait fréquemment Petrus de Castro Plebis. Immatriculé en 1506 au Collège des Peintres de Pérouse. Immatriculé à l’art des Peintres de Florence le 1er septembre 1499 : 1499, 1 septembris, Magister Petrus Cristophori Vannucci pictor de Perusio.