Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/331

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tinguaient les stucs antiques. Il pensa alors qu’il était nécessaire de mêler quelque matière blanche avec la chaux de travertin blanc, au lieu de pouzzolane ; après diverses expériences, il se servit donc de travertin pilé, qui lui donna un résultat qui l’aurait complètement satisfait, si le grain n’eût point présenté encore une teinte livide et trop d’inégalités. Enfin, la poussière du marbre le plus blanc qu’il put rencontrer, broyée, passée au tamis et mélangée avec de la chaux de travertin blanc lui fournit le véritable stuc antique, tel qu’il le désirait. Transporté de joie, Giovanni montra ce qu’il avait trouvé à Raphaël, qui, construisant alors les loges du Vatican par l’ordre du pape Léon X, fit couvrir par Giovanni toutes les voûtes de magnifiques ornements en stuc, entourés de grotesques semblables à l’antique, avec des inventions délicates et capricieuses, pleines de choses les plus variées et les plus fantastiques que l’on puisse imaginer. Cette ornementation, faite en demi-relief et en bas-relief, est entremêlée de sujets, de paysages, de fleurs et de fruits, où il donna la mesure de ce que l’art peut produire dans ce genre[1]. Dans cet ouvrage, non seulement il égala les anciens, mais il les surpassa, autant qu’il est permis d’en juger par les monuments qui sont restés d’eux. Par la beauté du dessin, par l’invention des figures, le coloris aussi bien des stucs que des peintures, ces œuvres sont sans comparaison bien supérieures aux antiques, que l’on voit au Colisée, aux Thermes de Dioclétien et dans d’autres endroits. Où trouver des oiseaux peints plus vrais, plus vivants que ceux qui sont dans les arabesques des frises et des pilastres de ces loges, tant pour leur plumage que dans toutes leurs parties ? On en voit d’autant de sortes que la nature a pu en inventer, les uns perchés sur des fleurs, les autres sur des épis de blé, de millet, de maïs, et, en un mot, sur toutes sortes d’herbes, de plantes et de fruits que la nature a produites de tout temps, pour leur nourriture et pour leurs besoins. Comment énumérer les poissons, les animaux aquatiques et les monstres marins que Giovanni a rassemblés dans le même lieu ? Il vaut mieux les passer sous silence que de vouloir tenter l’impossible. Que dire de ces fruits et de ces fleurs de tous les genres, de toutes les qualités et couleurs, que la nature sait produire en tout pays et en toute saison ? Il en est de même des instruments de musique aussi vrais que la réalité Qui ne sait comme une chose notoire que, Giovanni ayant peint des balustres au bout de ces loges, pour compléter l’illusion, et ayant disposé sur eux quelques tapis, un jour que le pape se rendait au Belvédère, un palefrenier courut en toute

  1. Les peintures des loges sont en très mauvais état.