Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/34

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l’église et le couvent ont été ruinés pendant le siège de Florence[1]. Des œuvres qu’il y exécuta, ne se sont conservés que les tableaux qui furent portés à la Porta a San Pier Gattolini, où l’on donna asile à cet ordre dans l’église et le couvent de San Giovannino. Il y avait donc deux tableaux de Pietro sur la cloison transverse de l’église des Jésuites[2]. L’un d’eux représente le Christ au jardin des Oliviers et les Apôtres dormant. Il y montra combien le sommeil l’emporte sur les soucis et les chagrins, ayant figuré les Apôtres dormant dans des attitudes très reposées. Sur l’autre tableau, il représenta une Pietà, c’est à dire un Christ couché sur les genoux de sa mère, entouré de quatre figures qui ne sont pas moins bonnes que celles de ses autres œuvres ; entre autres choses, il fit le corps du Christ raidi, comme si le froid de la mort et le long espace de temps où il resta sur la croix l’avaient rendu tel, en sorte que Jean et la Madeleine, tous affligés et en pleurs, sont obligés de le soutenir. Il peignit, sur un autre tableau, un Christ en croix, avec la Madeleine et, à ses pieds, saint Jérôme, saint Jean-Baptiste et le bienheureux Giovanni Colombini, fondateur de cet ordre[3]. Ces trois tableaux ont beaucoup souffert et sont entièrement gercés dans les noirs et dans les ombres ; cela vient de ce que la première couche de couleur que l’on pose sur l’enduit [parce que l’on donne trois couches de couleurs l’une par-dessus l’autre], n’étant pas très sèche, les autres couches se retirent plus tard en séchant, ce qui amène nécessairement ces crevasses. Pietro ne pouvait connaître ce danger, car, de son temps seulement, on commença à bien peindre à l’huile.

Les œuvres de Pietro étant donc très estimées par les Florentins, un prieur de ce couvent des Jésuites, qui appréciait les œuvres d’art, lui fit peindre, sur un mur du premier cloître, une Nativité avec les Mages, traitée dans une manière un peu menue, mais très soignée ; et, dans le second cloître, au-dessus de la porte du réfectoire, le pape Boniface[4] confirmant l’ordre du bienheureux Giovanni Colombini. Au-dessous de cette fresque, on voyait la Nativité du Christ avec des anges et des bergers d’un coloris très frais. Sur la porte de l’Oratoire, il fit encore, dans un arc, les trois demi-figures de la Vierge, de saint Jérôme et du bienheureux Giovanni, d’une si belle manière que cette fresque fut estimée une des meilleures qu’il ait jamais produites. D’après ce que j’ai enten-

  1. En 1520.
  2. Ces deux tableaux sont actuellement à l’Académie des Beaux-Arts.
  3. Tableau perdu.
  4. Le pape Urbain V, en 1367.