Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/368

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d’un père trévisan et d’une mère vénitienne, il fut conduit à Venise, à l’âge de huit ans, et confié à quelques-uns de ses parents. Après avoir appris la grammaire et être devenu un excellent musicien, il entra dans l’atelier de Titien, mais n’y demeura que peu d’années, car, voyant que le maître n’était guère empressé à enseigner à ses élèves, malgré qu’ils le priassent beaucoup, il se sépara de lui. Il éprouva un vif chagrin de la mort de Giorgione[1], dont la manière lui plaisait souverainement et qui, de plus, avait la réputation de bien enseigner et avec dévouement tout ce qu’il savait. Pâris, réduit pour toute ressource à étudier avec ardeur les productions de Giorgione, en profita de telle sorte et les reproduisit avec tant de bonheur, qu’il ne tarda pas à se trouver en haut crédit ; Aussi, à peine âgé de dix-huit ans, fut-il chargé d’exécuter un tableau pour l’église de San Niccolo de’Frati Minori. Titien, l’ayant appris, fit si bien qu’il lui enleva cette commande, soit qu’il voulût empêcher ce jeune homme de montrer son talent précoce, soit qu’il fût poussé par l’amour du gain.

Pâris, ayant été ensuite appelé à Vicence pour peindre une fresque à côté du Jugement de Salomon laissé par Titien dans la galerie où se rend la justice, alla bien volontiers dans cette ville, et représenta l’histoire de Noé et de ses enfants. Cette fresque ne le cède en rien à celle de Titien[2], soit pour l’exécution, soit pour le dessin, en sorte qu’on pourrait les croire sorties de la même main. De retour à Venise, il fit à fresque, au bas du pont du Rialto, plusieurs figures nues qui lui valurent d’être choisi pour décorer diverses façades de maisons. Appelé ensuite à Trévise, il peignit pareillement quelques façades et y fit plusieurs portraits. Dans le dôme de cette ville, on a de lui un tableau placé au milieu de la nef, lequel lui fut demandé par le vicaire, et qui représente une Nativité du Christ ; on y voit pareillement une Résurrection de sa main. À San Francesco, il fit une autre Nativité pour le chevalier Rovere, et d’autres tableaux à San Girolamo, à San Lorenzo, à Ognissanti, ce dernier[3] contenant une foule de saints et de saintes, dont les têtes, les attitudes et les costumes sont d’une beauté et d’une variété remarquables. À San Polo, il décora trois chapelles[4] ; la plus grande renferme Jésus ressuscitant au milieu d’une multitude d’anges ; la seconde, des saints environnés d’anges ; et la troisième, la Vierge présentant saint Dominique au Christ placé sur un nuage. Tous ces tra-

  1. En 1511.
  2. Toutes deux ont été détruites.
  3. À l’Académie de Venise.
  4. En 1559.