Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/39

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Léonard de Vinci pour la France, celui-ci, quand il eut fait la moitié d’un des deux tableaux qui lui étaient commandés, passa à une meilleure vie. En sorte que les pères, confiants en Pietro, le chargèrent de tout le travail[1]. Filippino avait terminé, dans la Déposition de Croix[2], les Nicodèmes qui descendent le corps ; Pietro y ajouta la Vierge évanouie et quelques autres figures. Comme le tableau devait avoir deux faces, l'une, du côté du chœur, avait à représenter la Déposition de Croix, et l’autre, tournée vers la nef, l’Assomption de la Vierge[3], que Pietro traita d’une manière si vulgaire que le tableau fut retourné. Ces deux tableaux ont été depuis mis sur des autels de la nef, et il n’est resté en place que six panneaux sur lesquels sont peints, dans des niches, des saints, de la main de Pietro[4] On raconte que, lorsque Pietro découvrit son ouvrage, il fut extrêmement blâmé par tous les nouveaux artistes, particulièrement parce qu’il avait reproduit des figures dont il s’était déjà servi dans d’autres œuvres. Ses amis lui disaient qu’il ne s’était pas appliqué, et qu’il avait abandonné la bonne manière. Soit, par avarice, soit pour ne pas perdre de temps, Pietro leur répondait : « J’ai produit des figures qui autrefois vous plaisaient et obtenaient vos éloges. Si maintenant, elles vous déplaisent et si vous leur refusez vos éloges, qu’y puis-je faire ? » Accablé de sonnets piquants et d’épigrammes, il quitta Florence, étant déjà vieux, et revint à Pérouse, où il fit quelques fresques[5] dans l’église San Severo, monastère de l’ordre des Camaldules, où le jeune Raphaël d’Urbin, son élève, avait peint plusieurs figures, comme nous le dirons lorsque nous raconterons sa vie. Il travailla également à Montone, à la Fratta[6], et dans divers endroits du pays de Pérouse, en particulier à Assise, dans l’église Santa Maria degli Angeli, où il peignit à fresque, sur le mur, derrière la chapelle de la Vierge, qui correspond au chœur des Frères, un Christ en croix avec plusieurs figures[7]. Dans l’église de San Piero, abbaye des moines noirs de Pérouse, il peignit le tableau du maître-autel représentant l’Ascension, avec les Apôtres dans le bas regardant vers le ciel[8]; la prédelle renferme trois histoires exécutées avec grand

  1. Le 5 août 1505, pour 150 ducats.
  2. À l’Académie des Beaux-Arts.
  3. Placée actuellement dans la cinquième chapelle à gauche.
  4. II en reste deux à Florence, dans la collection des frères Metzger.
  5. Six figures de saints, sous la Trinité de Raphaël, signées, datées 1521.
  6. Localités de la province de Pérouse.
  7. N’existe plus.
  8. Au musée de Lyon ; commandée le 8 mars 1495 pour 500 ducats d’or. Peinture transportée sur toile.