Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/391

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jeune homme d’un âge si tendre ; et en vérité, ces qualités étaient telles qu’on aurait pu les souhaiter à un vieux maître éprouvé. Tout ce que Michel-Ange savait, et toute la grâce qu’il pouvait mettre dans ses œuvres, il les tenait de son naturel exercé par l’étude et la pratique de son art ; aussi produisait-il en lui des fruits chaque jour plus divins, comme il le montra clairement dans une copie qu’il fit d’une estampe de Martin Schœn, et qui lui donna un grand renom. En effet, comme il était arrivé à Florence une planche de ce Martin, qui représentait des diables tourmentant saint Antoine, et gravée sur cuivre, Michel-Ange la copia à la plume d’une manière qu’on ne connaissait pas, et la reproduisit ensuite en couleurs. Pour rendre quelques formes étranges de diables, il achetait des poissons ayant des écailles de couleurs bizarres ; et dans cette œuvre il montra tant de talent qu’il en retira renom et crédit. Il copia encore des dessins de différents maîtres anciens, avec une telle exactitude qu’on s’y trompait ; car il teignait les papiers, les vieillissait avec de la fumée et d’autres produits, de manière qu’étant salis ils paraissaient anciens à s’y méprendre et ne pouvaient être distingués des originaux. Il faisait cela uniquement pour obtenir les originaux, en donnant en échange les copies à leurs possesseurs, car il admirait ces vieilles choses, à cause de l’excellence de l’art, et cherchait sans cesse à les surpasser. Cela aussi lui attira un grand renom.

À cette époque, Laurent le Magnifique avait installé, dans son jardin de la place San Marco, le sculpteur Bertoldo, non pas tant comme gardien et conservateur des beaux antiques qu’il y avait rassemblés à grands frais, que parce que, désirant vivement créer une école d’excellents peintres et sculpteurs, il voulait qu’ils eussent pour guide et pour chef le dit Bertoldo, qui était élève de Donato. Bien qu’il fût si vieux qu’il ne pouvait plus produire. Bertoldo était néanmoins un maître d’une grande pratique et très renommé, non seulement pour avoir soigneusement réparé les bronzes de la tribune des chanteurs, de Donato, son maître, mais encore pour quantité d’autres bronzes représentant soit des batailles, soit des sujets moins importants, travail dans lequel il ne se trouvait alors personne à Florence qui l’égalât. Ainsi donc, comme Laurent, qui portait un grand amour à la peinture et la sculpture, se plaignait que de son temps il n’y eût pas de sculpteurs remarquables et aussi célèbres que les peintres qui florissaient alors, il se décida, comme j’ai dit plus haut, à ouvrir une école, et pour cela il demanda à Domenico Ghirlandajo s’il avait dans son atelier des jeunes gens qui fussent aptes à ce qu’il voulait, ajoutant que, dans ce cas, il devait les envoyer dans son jardin où il désirait les faire travailler, de manière à