Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/393

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remarquable, Michel-Ange tira, d’un bloc de marbre que lui donna Laurent, une bataille d’Hercule avec les Centaures, qui fut si belle que, pour celui qui la considère, elle paraît être sortie non de la main d’un jeune homme, mais d’un maître consommé dans les études et la pratique de l’art. Elle est aujourd’hui dans la maison de Lionardo[1], neveu de Michel-Ange, qui la conserve précieusement, en chose rare qu’elle est. Il n’y a pas longtemps, le même Lionardo possédait dans sa maison, en mémoire de son oncle, une Vierge en bas-relief, de la main de Michel-Ange, et en marbre, haute d’un peu plus d’une brasse, que celui-ci, étant encore très jeune, exécuta précisément à la même époque, voulant imiter la manière de Donatello ; on la croirait sortie de la main de ce dernier maître, si ce n’est qu’on y voit plus de grâce et plus de dessin[2]. Pour en revenir au jardin de Laurent le Magnifique, il était plein d’antiques et d’excellentes peintures tout autour ; Michel-Ange en avait constamment les clefs, il était beaucoup plus empressé que les autres dans toutes ses actions, et il se montrait toujours plein d’ardeur, ainsi que d’une grande vivacité. Il dessina plusieurs mois, au Carmine, d’après les peintures de Masaccio, et il les copiait avec tant de jugement, que tous ceux qui les voyaient en restaient stupéfaits, et que l’envie croissait en même temps que sa renommée. On raconte que Torrigiano, avec lequel il avait contracté amitié, possédé de jalousie de le voir plus honoré et plus savant que lui, un jour, en jouant, lui donna un tel coup de poing sur le nez, qu’il le lui brisa, et le déforma en sorte que Michel-Ange en resta défiguré toute sa vie. Torrigiano fut banni de Florence pour ce fait, comme nous l’avons raconté autre part.

Après la mort de Laurent le Magnifique, Michel-Ange retourna chez son père, éprouvant une grande douleur de la mort d’un pareil homme, qui était l’ami de toutes les vertus. Il acheta alors un grand bloc de marbre, et en tira un Hercule haut de quatre brasses, que l’on a vu longtemps dans le palais Strozzi, et qui fut trouvé admirable. L’année du siège, Giovambatista della Palla l’envoya en France au roi François Ier[3]. On raconte aussi que Pierre de Médicis, qui avait longtemps fréquenté Michel-Ange, le faisait souvent appeler, après la mort de Laurent, son père, dont il demeurait héritier, pour lui faire acheter des camées antiques et d’autres pierres gravées. Un hiver, qu’il neigea beaucoup à Florence, il lui fit faire, en neige, dans sa cour, une statue

  1. En place, dans le Musée Buonarroti.
  2. Au Musée Buonarroti.
  3. L’Hercule est perdu.