Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/404

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ment divine, ainsi que d’autres statues supérieures à tout ce qu’on a vu de mieux. Pendant une maladie qu’il fit chez lui[1], il donna les deux prisonniers au seigneur Ruberto Strozzi ; ils furent ensuite envoyés en cadeau au roi François 1er, et sont actuellement à Écouen, en France. Michel-Ange ébaucha également huit statues à Rome et cinq à Florence ; il y fit une Victoire terrassant un prisonnier, qui est actuellement chez le duc Cosme, à qui elle fut donnée par Lionardo, neveu de Michel-Ange. Le Moïse[2], qu’il termina entièrement en marbre, a cinq brasses de haut ; aucune œuvre moderne ne pourra jamais l’égaler en beauté, et on peut en dire autant des antiques. Assis dans une attitude pleine de gravité, il pose un bras sur les tables de la loi qu’il a à la main, et de l’autre main, il se tient la barbe qui, longue et échevelée, est exécutée de telle sorte que chaque poil, si difficile à rendre en sculpture, est filé avec une souplesse et une légèreté merveilleuses, chose impossible à croire que le ciseau ait pu rivaliser avec le pinceau. Le visage est celui d’un saint et d’un prince redoutable, et en le regardant on a envie de lui demander un voile et de lui couvrir la face, tant le regard est clair et lumineux, et tant le sculpteur a bien rendu dans le marbre le pouvoir divin que Dieu avait imprimé sur le saint visage de ce prophète. Les vêtements sont, en outre, découpés et traités avec des plis admirables, les bras musclés, les mains osseuses et nerveuses sont exécutés avec la même perfection que les jambes, les genoux et les pieds munis de chaussures originales. En un mot, toute l’œuvre est finie au point que Moïse peut être appelé plus que jamais l’ami de Dieu, puisque, si longtemps avant les autres, il a voulu préparer son corps pour la résurrection finale, grâce aux mains de Michel-Ange. Chaque jour de Sabbat, les juifs viennent en foule[3], hommes et femmes, pour le contempler et l’adorer, comme une chose divine plutôt qu’humaine. C’est ainsi que Michel-Ange parvint à terminer une des petites faces du tombeau, qui fut ensuite fixée à une paroi de San Piero in Vincola. On raconte que, pendant qu’il y travaillait[4], le reste des marbres nécessaires aborda à Ripa, et il les fit conduire pour être joints aux autres sur la place de Saint-Pierre. Comme il fallait les payer à celui qui les avait amenés, Michel-Ange alla, selon son habitude, demander

  1. En 1550. Les deux prisonniers sont au Louvre. Quatre autres statues sont dans la grotte du jardin Boboli. La Victoire, ou plutôt le groupe de deux figures viriles, est au Musée National.
  2. En place, à San Pietro a Vincoli.
  3. Vasari dit : aussi nombreux que des étourneaux.
  4. Avril 1506.