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de Fernand Mendez Pinto.

vne Lanchare au Royaume de Pan, auec dix mille ducats de ſon bien, pour les mettre entre les mains d’vn ſien Facteur qui y reſidoit, nommé Tomé Lobo, & pour m’en aller de là à Pataue, qui eſt encore à cent lieuës par delà. Pour cet effet il me donna vne lettre & vn preſent pour le Roy, & vne ample commiſſion de traiter auec luy de la liberté de cinq Portugais, qui dans le Royaume de Siam eſtoient eſclaues de Monteo de Bancha ſon beau frere. Ie partis doncques de Malaca auec ce deſſein. Or le ſeptieſme iour de noſtre voyage, comme nous eſtions à l’oppoſite de l’Iſle de Pullo Timano, qui peut eſtre diſtante de Malaca de quatre-vingts dix lieuës, & de dix ou douze lieuës de l’emboucheure de Pan, vn peu auant le iour nous ouïſmes par deux fois de grandes plaintes ſur mer, & ne pouuans pour alors à cauſe de l’obſcurité qu’il faiſoit, recognoiſtre ce que c’eſtoit, nous demeuraſmes tous ſuſpens en diuerſes opinions, dautant que nous ne ſçauions nous imaginer ce que ce pouuoit eſtre, tellement que pour l’apprendre ie fis mettre le voile au vent, & auec les rames m’en aller du coſté où nous auions entendu ces plaintes, guettans tous la veuë baiſſée à rez d’eau, pour voir & ouïr plus facilement ce qui nous tenoit ſi fort en peine. Apres que nous euſmes continué en cette action vn aſſez long-temps, nous viſmes fort loing de nous, vne choſe noire qui flottoit ſur l’eau, & ne pouuans decouurir d’abord ce que c’eſtoit, nous priſmes conſeil de nouueau, de ce que nous auions à faire. Or bien que nous ne fuſſions que quatre Portugais dans noſtre Lanchare, les aduis furent differents les vns des autres, & pour moy ie fus requis de ce qui ne m’importoit. Au reste l’on me diſt que ie deuois aller droit où Pedro de Faria m’enuoyoit, & que perdant vne ſeule heure de temps, ie mettois le voyage en danger, & la marchandiſe en riſque ; ioint qu’à faute de faire mon deuoir ie luy rendrois fort mauuais compte de ma commiſſion. À quoy ie fis reſponſe, que pour choſe qui pût arriuer, ie ne laiſſerois de ſçauoir ce que c’eſtoit, & que ſi ie faillois en le faiſant, comme ils me vouloient faire accroire, que la Lanchare n’appartenoit qu’à Pedro de Faria, & que c’eſtoit à moy à luy