Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
de Fernand Mendez Pinto.




De ce qui arriua à Antonio de Faria en cette riuiere de Tanauquir, auec vn Corſaire renié, nommé Franciſco de Saa.


Chapitre XLVI.



Novs demeuraſmes encore tout ce iour & la nuict à l’emboucheure de cette riuiere de Tanauquir, en intention de faire voile ſi toſt qu’il ſeroit iour, pour nous en aller à la ville qui eſtoit à cinq lieuës de-là, afin de voir ſi là meſme en quelque façon que ce fut, nous pourrions vendre nos marchandiſes ; car pour la grande quantité que nous en auions, nos vaiſſeaux eſtoient ſi chargez qu’il ne ſe paſſoit iour que deux ou trois fois nous ne vinſſions à nous eſchoüer ſur des bancs de ſable, leſquels en quelques endroicts eſtoient grands de quatre ou cinq lieuës, & quelques-vns ſi bas que nous n’oſions aller à la voile, ſinon le iour, & auec le plomb à la main. C’eſt pourquoy il fut conclu qu’auparauant que faire autre choſe, il nous falloit vendre toutes nos marchandiſes. Pour cet effet Antonio de Faria n’alloit cherchant qu’vn bon port, pour en faire la vente ; mais en fin il pleut à Dieu que nous en trouuaſſions vn pour y effectuer noſtre deſir. Nous trauaillaſmes toute cette nuict pour taſcher de gaigner l’emboucheure de la riuiere, parce que l’impetuoſité de ſon courant eſtoit ſi grande, qu’encore que nous euſſions toutes nos voiles guindées de haut en bas, nous ne pouuions pourtant gaigner le port. Comme nous eſtions en cette peine & que le tillac eſtoit ſi remply de cables & de cordages que nous n’y pouuions remuer deſſus, nous viſmes paroiſtre ſur la riuiere deux Iuncos fort grands, renforcez de fauques, d’applique aux poupes & aux prouës, auec les hunes de huniers, & des perroquets pauoiſées de ſoye rouge & noire, ce qui les faiſoit paroiſtre aguerris. Alors s’enchaiſnant l’vn à l’autre pour ioindre leurs forces, ils nous attaquerent ſi viue-