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de Fernand Mendez Pinto.

ceurent d’abord auec vne grande reſioüiſſance, & apres nous auoir donné aduis du païs, du trafic, de la tranquillité des ports, nous dirent qu’il n’y auoit aucune nouuelle de Liampoo, ſinon que l’on diſoit qu’il y auoit vn nombre de Portugais qui y hiuernoient, & d’autres qui y eſtoient nouuellement venus de Malaca, Sunda, Siam, & Patane ; qu’au reſte dans le païs ils trafiquoient fort paiſiblement, & que cette groſſe armée que nous apprehendions ſi fort n’y eſtoit pas ; mais que l’on ſoupçonnoit qu’elle s’en eſtoit allée aux Iſles de Goto, au secours de Sucan de Pontir, auquel on diſoit qu’vn ſien beau-frere auoit tyranniquement oſté le Royaume, & qu’à cauſe que Sucan s’eſtoit nouuellement fait ſujet du Roy de la Chine, & ſon tributaire de cent mille Taeis par an, il y auoit pour ce ſujet donné cette groſſe armée de quatre cens Iuncos dans leſquels l’on aſſeuroit qu’il y auoit cent mille hommes, pour le remettre dans le Royaume & dans les Seigneuries qui luy auoient eſté priſes. Nous fuſmes grandement reſioüis de cette nouuelle, & en rendiſmes graces à Dieu ; puis apres auoir ſejourné dans ce port de Chincheo l’eſpace de neuf iours, nous en partiſmes pour aller à Liampoo, demeurant de plus auec nous trente-cinq ſoldats, que nous auions pris des cinq vaiſſeaux que nous y auions trouuez, auſquels Antonio de Faria fit bon party, & apres auoir nauigé cinq iours par vn vent contraire, coſtoyant d’vn bord à l’autre, ſans toutesfois pouuoir aduancer, il arriua qu’vn ſoir à la premiere garde nous rencontraſmes vn petit vaiſſeau ou Paroo de peſcheurs, dans lequel il y auoit huict Portugais fort bleſſez, deux deſquels eſtoient nommez Mem Taborda, & Antonio Anriquez, hommes d’honneur, & gens fort bien renommez en ces quartiers là, ſujet pour lequel ie les nõme particulierement ; ceux-cy & les autres ſix eſtoient ſi hideux, & en ſi piteux équipage, qu’on ne les pouuoit regarder ſans en eſtre touché de compaſſion. Ce Paroo eſtant arriué au bord d’Antonio de Faria, il fiſt recueillir dans ſon vaiſſeau tous les huict Portugais, où eſtans, ſi toſt qu’ils le virent ils ſe ietterent tous à ſes pieds, d’où il les releua pleurant de compaſſion de les voir nuds, bleſſez & baignez dans