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Voyages Aduentureux

l’aſſiette du païs, & apprendre par quelque moyen quelles nauires il y auoit ; comme auſſi telles autres choſes conuenables à ſon deſſein. Pour cet effet il commanda aux Mariniers de faire tout leur poſſible pour prendre quelques habitans de la ville, afin de s’inſtruire d’eux touchant ce qu’il deſiroit, & ſçauoir au vray ce qu’eſtoient deuenus les Portugais, à cauſe qu’il apprehendoit qu’on ne les euſt deſia menés bien auant dans le païs. Ces deux Baloes partirent sur les deux heures apres minuict, & arriuerent à vn petit village qui eſtoit à l’emboucheure de la riuiere à la pointe d’vn petit bras d’eau appellé Nipaphau. Là il pleut à Dieu qu’ils negocierent ſi bien, qu’auant qu’il fuſt iour ils s’en reuindrent à bord de nos vaiſſeaux, amenant auec eux vne barque chargée de vaiſſelles, & de canes de ſucre, qu’il treuuerent ancrés au milieu de la riuiere. Dans cette barques il y auoit huit hommes & deux femmes, enſemble vn petit enfant aagé de ſix ou ſept ans. Apres qu’ils ſe virent tous dans le Iunco d’Antonio de Faria, ils furent ſaiſis d’vne ſi grande apprehenſion de la mort qu’on fut vn long-tẽps ſans les pouuoir raſſeurer. Ce qu’apperceuant Antonio de Faria, il tâcha de les remettre le mieux qu’il pût, & ſe miſt à les interroger, mais quelque demãde qu’on leur fiſt, on ne leur ſceut iamais tirer de la bouche d’autres paroles que les ſuiuantes : Suqui humidau nivangao lapopoa dogotur, c’eſt à dire ; ne nous tués point ſans raiſon, car Dieu vous fera rendre cõpte de noſtre ſang à cauſe que nous ſommes de pauures gens, & ce diſant il pleuroient de telle ſorte, & trembloient ſi fort, qu’ils ne pouuoient prononcer aucune parole. Cela fiſt, qu’Antonio de Faria voyant leur miſere & leur grande ſimplicité, ne les voulut point alors importuner dauantage, mais diſſimula pour vn temps. Neantmoins, pour en venir à bout plus facilement, il pria vne femme Chinoiſe qui eſtoit Chreſtienne, & que le Pilote auoit là menée, qu’elle euſt à les careſſer, & à les aſſeurer qu’il ne leur ſeroit fait aucun mal, afin que remis de cette ſorte ils pûſſent reſpondre plus à propos aux demandes qu’on leur feroit. Dequoy la Chinoiſe s’acquitta ſi bien, & les appriuoiſa de telle ſorte par les careſſes qu’elle leur fiſt, qu’vne petite heure apres ils dirent à cette femme, que ſi le Capitaine les vouloit laiſſer aller librement dans leur batteau où il auoient eſté pris, il confeſſeroiẽt