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de Fernand Mendez Pinto.

nous y ſouffriſmes ; car ſans apparence d’aucun remede nous ſentions nos forces s’affoiblir inſenſiblement par la miſere qui nous accabloit ; iuſques à ce point qu’vn de nos compagnons appellé Ioan Rodriguez Brauo nous mourut entre les mains mangé des poux, ſans qu’il nous fuſt poſſible de l’aſſiſter ; & ce fuſt par vn grand miracle que nous meſmes nous ſauuaſmes de cette vermine. A la fin vn matin, lors que nous ne penſions à rien moins, tous chargez de fers que nous eſtiõs, & ſi foibles que nous pouuions parler bien à peine, nous fuſmes tirez de cette priſon & mis à la chaiſne. De cette façon l’on nous embarqua auec pluſieurs autres, iuſques au nombre de trente ou quarante, qui pour auoir eſté conuaincus de forfaits enormes, eſtoient renuoyez comme nous pour leur appel au Parlement de Nanquin, où comme i’ay deſia dit, reſide touſiours vn Chaem de Iuſtice, qui eſt comme vn ſouuerain titre de Vice-Roy de la Chine. Là meſme il y a vn Parlement de quelques ſix vingts Gerozemos & Ferucuas, tels que pourroient eſtre ceux que nous appellons Conſeillers du Parlement, Iuges, & Rapporteurs de toutes les cauſes, tant ciuiles que criminelles, ſans qu’il ſoit permis d’appeller de leur ſentence, ſi ce n’eſt en vne autre Chambre qui a du pouuoir ſur le Roy meſme, ou ſi l’on appelle, c’eſt en dernier reſſort, & comme ſi l’on en appelloit au Ciel. Pour mieux entendre cecy, il faut ſçauoir, qu’encore que ce Parlement & autres ſemblables, qui ſont dans les principales villes du Royaume ayent vn pouuoir abſolu du Roy, pour le criminel & pour le ciuil, ſans oppoſition ny appellation quelconque, neantmoins il y a vne autre Chambre de Iuſtice qui s’appelle la Chambre du Createur de toutes choſes, où il eſt permis d’appeller en matiere des choſes les plus importantes & ſerieuſes. En cette chambre aſſiſtent d’ordinaire vingt quatre Menigrepos, qui ſont certains Religieux fort auſteres en leur façon de viure, tels que peuuẽt eſtre les Capucins parmy nous. Et ſans mentir s’ils eſtoient Chreſtiens, l’on pourroit eſperer d’eux de fort grandes choſes à cauſe de leur abſtinence, & de leur probité merueilleuſe. Ceux-cy ne ſont iamais admis au rang des Iuges qu’ils n’ayent ſoixãte & dix ans paſſez, & ſont