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Voyages Aduentureux

depuis vn mois, en attendant l’arriuée de quelque nauire Portugais. La cauſe de ſon ſejour n’eſtoit que pour luy bailler vne lettre du meſme Henry, comme en effet il en chargea les deux Capitaines de nos Fuſtes. Par ceſte lettre il leur donnoit aduis de l’eſtat de l’armée du Turc, & les ſupplioit en quelque façon que ce fuſt, de luy enuoyer quelques Portugais. Pour les y eſmouuoir plus facilement, il leur remonſtroit que cela eſtoit important pour le ſeruice de Dieu & du Roy, & que pour luy il ne pouuoit les aller trouuer, pour eſtre dans la fortereſſe de Gileytor, employé à la garde de la Princeſſe de Tigremahon mere du Preſte Iehan, auec quarante Portugais qui l’aſſiſtoient. Les deux Capitaines des Fuſtes ayant veu ceſte lettre, la communiquerent à leurs principaux ſoldats, & en teinrent le conſeil. Pour toute deliberation il fuſt arreſté, que quatre d’entr’eux s’en iroient trouuer Barboſa auec Vaſco Martins, & qu’ils luy porteroient la lettre qu’Antonio de Syluera luy enuoyoit. La choſe ne fuſt pas ſi toſt reſoluë qu’elle fuſt executée : car le lendemain trois autres Portugais & moy partiſmes pour cet effect, & nous en allaſmes par terre montez ſur de bonnes Mules, que le Ciquaxy Capitaine de la ville nous enuoya par l’ordonnance de la Princeſſe mere de l’Empereur : lequel mandement Vaſco Martins apporta expres, aſſiſté de ſix Abiſſins qui nous tinrent compagnie. Ce meſme iour nous allaſmes coucher à vn Monaſtere fort noble & de grand reuenu, nommé Satilgaon ; le lendemain deuant que le Soleil fuſt leué nous nous miſmes en chemin le long d’vne riuiere, & euſmes à peine fait enuiron cinq lieuës, que nous arriuaſmes en vn lieu nommé Bitonte, où nous paſſames la nuict dans vn Conuent de Religieux, dedié à ſainct Michel, là nous fûmes fort bien receus, tant du Prieur, que des Religieux : Quelque temps apres noſtre arriuée, le fils de Bernagais Gouuerneur de cet Empire d’Ethiopie, ieune gentil-homme fort diſpos, & courtois, aagé d’enuiron dix-ſept ans, s’en vint nous trouuer accompagné de trente hommes, tous montez ſur des Mulets, & luy ſur vn Cheual harnaché à la Portugaiſe, ſon harnois eſtoit de velours violet, frangé d’or, que depuis deux