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de Fernand Mendez Pinto.

tre bataillons, & paſſant derrière vne butte, comme il fut au bout d’icelle, il deſcouurit vne grande plaine ſemée de ris, où les ennemis s’eſtoiẽt ſerrez en deux gros bataillons. D’abord que les deux armées ſe découurirent, & qu’au ſon de leurs trompettes, cloches, & tambours, les ſoldats ſe furent donnez le ſignal auec des cris, & des hurlemens incroyables, ils s’attaquerent valeureuſement. Or le combat fut à peine commencé, qu’ils ſe ietterent vne quantité de bombes, fleſches, & autres artifices à feu ; & ainſi s’eſtans ioints de plus prés, ils en vindrent aux mains auec tant de courage, qu’à voir vne ſi grande furie, i’en tremblois d’apprehenſion. La bataille continua de cette façon plus d’vne heure, ſans qu’il fut poſſible de part ny d’autre de connoiſtre à qui l’aduantage demeureroit. À la fin Achem ayant preueu que s’il s’obſtinoit dauantage il perdroit vne bonne partie de ſon armée, pource que ſes gens eſtoient fort laſſez, il fit ſa retraitte vers vne petite butte, qui eſtoit du coſté du Sud, eſloignée de Bata tant ſeulement de la portée d’vn Fauconneau. Là ſon intention eſtoit de ſe fortifier dans des tranchées qu’il auoit fait faire tout contre vn rocher, qui eſtoient en forme d’vn iardin, ou d’vn labourage de ris. Mais vn frere du Roy d’Andragie luy rompit ce deſſein ; pource qu’auec deux mille hommes qu’il mit au deuant, il luy coupa chemin, & l’empeſcha de paſſer ; tellement que leur querelle deuint au meſme eſtat qu’elle eſtoit auparauant. Et ainſi le combat recommença entr’eux auec tant de furie, que ſe bleſſans cruellement les vns les autres, ils teſmoignoient bien qu’ils egaloient en courage toutes les autres nations. Par ce moyen deuant qu’Achem euſt gaigné les tranchées, il perdit plus de quinze cens hommes des ſiens, du nombre deſquels eſtoient les cent ſoixante Turcs, qui peu de iours auparauant luy eſtoient venüs du détroit de la Mecque, & deux cens Sarrazins Malabares, auec quelques Abiſſins, qui eſtoient les meilleurs hommes qu’il euſt auec luy ; & dautant qu’il s’en alloit eſtre enuiron midy, & que la chaleur eſtoit fort grande, le Roy des Batas ſe retira vers la montagne, où il passa tout le reſte du iour à faire pen-