Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/958

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1020
Voyages Aduentureux

à cauſe que cela m’euſt poſſible eſpargné vne bonne piece d’argent. Pour concluſion voyla quels ont eſté les ſeruices que i’ay rendus par l’eſpace de 21. ans, durant lequel temps i’ay eſté treize fois eſclaue, & vendu ſeize fois, à cauſe des malheureux euenemens dont i’ay cy-deuant faict mention aſſez amplement en ce liure d’vn ſi long & d’vn ſi penible voyage ; mais bien que cela ſoit ainſi, ie ne laiſſe pas de croire que ce que ie ſuis demeuré ſans la recompenſe que ie pretendois pourtant de ſeruices & de trauaux, eſt pluſtoſt procedé de la prouidence diuine qui l’a ainſi permis pour mes pechez, que de la nonchalance ou de la faute de celuy que le deuoir de ſa charge ſembloit obliger à m’en faire raiſon : car eſtant veritable qu’en tous les Roys de ce Royaume, qui eſt comme vne viue ſource d’où procedent les recompenſes, bien que quelquesfois elles s’écoulent par des tuyaux plus affectionnez que raiſonnables, il s’eſt trouué touſiours vn zele ſainct & recognoiſſant, accompagné d’vn deſir fort ample & tres-grand, non ſeulement de recompenſer ceux qui les ſeruent, mais auſſi de faire de grands biens à ceux qui ne leur rendent aucun ſeruice : il eſt euident par là, que ſi moy & tous les autres nous n’auons eſté ſatisfaits, cela n’eſt aduenu que par la ſeule faute des canaux & non pas de la ſource ; ou pluſtoſt ç’a eſté vn office de la iuſtice diuine qui ne peut faillir, & qui diſpoſe de toutes les choſes pour le mieux, & ſelon qu’il nous eſt le plus neceſſaire, à cauſe dequoy ie rends vne infinité de graces au Roy du Ciel, à qui il a plû que ſa volonté diuine s’accompliſt par cette voye, & ne me plains point des Roys de la terre, puiſque mes pechez m’ont rendu indigne d’en meriter dauantage.


FIN.