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de Fernand Mendez Pinto.

Chine auec ſes marchandiſes. Tu as raiſon, me reſpondit-il, puis oſtant deux braſſelets d’or maſſif qu’il portoit aux poignets, & qui peſoient enuiron trente eſcus d’or, Ie te prie, me dit-il, en me les baillan, de ne m’imputer point à auarice ſi ie te donne ſi peu de choſe : car tu peus t’aſſeurer que mon deſir a touſiours eſté d’auoir beaucoup pour donner beaucoup. Par meſme moyen tu donneras de ma part cette lettre, & ce diamant à ton Capitaine, à qui tu diras que ce que ie crois luy deuoir de ſurplus pour les plaiſirs qu’il ma fait, en me ſecourant de ſes munitions qu’il m’a enuoyées par toy, ie remets à les luy apporter moy-meſme, lors qu’auec plus de repos que ie n’en ay maintenant, ie me verray deliuré de mes ennemis.




Des choſes qui m’arriuerent apres mon partement d’Aaru.


Chapitre XXIII.



Ayant pris congé du Roy d’Aaru, ie m’embarquay tout incontinent, & partis preſqu’à Soleil couché, allant à val la riuiere à force de rames, iuſques à vn hameau, qui eſt à ſon emboucheure, compoſé de dix ou douze maiſons couuertes de chaume. Ce lieu n’eſt habité que de gens fort pauures, & qui ne gaignent leur vie en ce païs qu’à tuer des Lezards, du foye deſquels ils font du poiſon pour frotter les poinctes des fleſches dont ils combatent. Car le poiſon de ce lieu, principalement celuy qu’ils nomment Pocauſilim, eſt tenu d’eux pour le meilleur de ces contrées, à cauſe que la bleſſeure en eſt ſans remede. Le lendemain apres que nous fuſmes partis de ce hameau, nous fiſmes voile le long de la coſte auec vn vent de terre, iuſqu’au ſoir que nous doublaſmes les Iſles d’Anchepiſan, puis le reſte du iour, & partie de la nuict nous cinglaſmes en mer pour nous eſloigner de terre. Mais enuiron la premiere garde le vent ſe changea en Nordeſt, car tels