Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/126

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n’est pas tout !… Ce qui me bouleverse à présent, c’est un épouvantable rêve que j’ai fait !

TOUS.

Un rêve !

PASSEPARTOUT.

Un affreux cauchemar ! J’ai eu pendant toute la nuit mon bec dans la tête !

NÉMÉA.

Votre bec ?

ARCHIBALD.

Quel bec ?

PASSEPARTOUT.

Mon bec de gaz, que j’ai oublié d’éteindre en quittant Londres, et qui, depuis ce temps, brûle, hélas ! à mes frais. Imaginez-vous que, dans mon rêve, je voyais mon bec s’allonger et la lumière grossir et grandir toujours. Tout à coup, j’entends mugir un vent furieux, et comme j’ai bêtement laissé la fenêtre ouverte, j’aperçois les rideaux de mousseline qui ondulent, gonflés par le vent, et vont s’étendre au-dessus de mon terrible bec qui les enflamme ! Les rideaux embrasés communiquent le feu à tous les meubles, les meubles aux boiseries de la chambre, les boiseries à la maison, la maison, à son tour, se met à incendier le quartier, et quand je me suis réveillé, toute la ville de Londres… brûlait à mes frais !

FOGG.

Tranquillisez-vous, Passepartout, ce rêve ne saurait se réaliser !

PASSEPARTOUT.

Vous croyez, monsieur ?

FOGG.

Les pompiers arrêteraient l’incendie. Il ne peut y avoir de brûlé que mon appartement.

PASSEPARTOUT.

Toujours à mes frais !… c’est encore assez !…

ARCHIBALD.

Allons, allons, oubliez ce rêve… (Bas.) avec le reste, mon garçon.

PASSEPARTOUT.

Soit… oublions.

(Fix, déguisé en cuisinier nègre, apporte les plats qu’il prend dans un office à droite.)