Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/323

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pied, et je l’ai mérité ! Une mauvaise action ne profite jamais. Le ciel m’a puni en m’inspirant la pensée de prendre une télègue au lieu d’un tarentass.

STROGOFF.

Un verre de bière, monsieur ?

(Le maître de poste rentre apportant un broc et des verres.)

JOLLIVET.

Volontiers.

LE MAÎTRE DE POSTE, à Jollivet.

Dois-je garder une chambre et prendre vos valises ?

JOLLIVET.

Pas celle-là !… Elle n’est pas à moi.

LE MAÎTRE DE POSTE.

À qui donc ?

JOLLIVET.

À mon ennemi intime, mon confrère Blount, qui doit, en ce moment, courir après moi !… Mais j’espère bien être parti avant qu’il n’arrive au relai !… À propos, une voiture et des chevaux dans une heure !

LE MAÎTRE DE POSTE.

Il n’y a plus ni chevaux ni voitures disponibles !

JOLLIVET.

Bon ! Il ne manquait plus que cela ! Eh bien, gardez-moi les premiers qui rentreront au relai !

LE MAÎTRE DE POSTE.

C’est entendu !… mais ce ne sera pas avant demain. Je vais vous retenir une chambre.

JOLLIVET.

Oui !… Heureusement, j’ai une belle avance sur Blount !

STROGOFF.

Votre ennemi ?

JOLLIVET.

Mon ennemi, mon rival ! Un reporter anglais, qui veut me devancer sur la route d’Irkoutsk, et défraîchir mes nouvelles ! Figurez-vous, monsieur Korpanoff, que je n’ai trouvé que ce moyen pour le distancer, lui voler sa voiture, qui était tout attelée, quand je suis arrivé au relai ! Il n’y en avait pas d’autre, et pendant qu’il réglait sa note, j’ai glissé un paquet de roubles dans la poche de son cocher, — disons son iemskik, pour faire un peu de couleur locale… et en route !… Naturellement,