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NOTICE


BIOGRAPHIQUE ET LITTÉRAIRE


SUR LESAGE.


On a ignoré pendant longtemps quelle ville avoit donné naissance à Lesage ; on le savoit originaire de Bretagne, voilà tout ; les renseignements précis manquoient, et les biographes, dans l’incertitude où ils se trouvoient placés, attribuoient tantôt à Rhuys, tantôt à Vannes, un honneur qu’aucune ville de la province ne revendiquoit d’ailleurs, et ne songeoit à leur disputer.

Ce n’est qu’en 1819 qu’un philologue distingué, M. Audiffret, tenta de soulever le voile qui couvroit le berceau de Lesage, et résolut d’éclaircir un point d’histoire littéraire resté trop long-temps obscur. Grâce à ses persévérants efforts, à la recommandation bienveillante de deux ministres, et au zèle que le préfet du Morbihan mit à le seconder dans sa tâche laborieuse, M. Audiffret vit peu à peu se dissiper ses incertitudes sur ce point, et il parvint enfin à déterminer d’une manière positive, d’après des titres et des documents incontestables, le jour, l’année et le lieu précis de la naissance de l’immortel auteur de Gil Blas.

C’est à Sarzeau (Morbihan), petite ville de la presqu’île de Rhuys, que naquit, le 8 mai 1668, Alain-René Lesage. Chose singulière, celui qui devoit un jour enrichir notre scène de Crispin rival de son maître, et de Turcaret, naissoit l’année même où Racine donnoit au théâtre ses Plaideurs et Molière son Avare ! Pour un homme que la nature destinoit à suivre la même carrière, c’étoit assurément naître sous de favorables auspices.

René Lesage fut le seul fruit du mariage de Claude Lesage et de Jeanne Brenugat. Son père, qui exerçoit simultanément, auprès de la cour royale de Rhuys, les fonctions d’avocat, de notaire et de greffier, jouissoit d’une honorable aisance ; mais cette aisance tenoit bien plus au produit de sa triple charge, qu’à une fortune transmissible, échue ou acquise : aussi, René, ayant perdu sa mère en 1677 et son père cinq ans après, ne fit qu’un très-mince héritage. Orphelin à quatorze ans, il passa sous la tutelle d’un oncle qui, par suite de son administration inhabile, compromit et laissa dépérir le patrimoine de son pupille. Si, malheureusement pour le jeune René, son tuteur négligea sa petite fortune, heureusement pour les lettres il ne négligea pas son éducation. Lesage fut placé au collège des jésuites de Vannes, où il ne tarda pas à se distinguer ; il y fit, d’une manière brillante, la plus grande partie de ses études ; mais il en sortit, sans les avoir achevées, pour entrer dans les fermes de Bretagne, où il remplit, pendant plusieurs années, un fort modeste emploi. La vie bureaucratique déplut-elle à Lesage, ou bien eut-il à se plaindre d’une injustice, et de la conduite de quelque orgueilleux traitant à son égard, voilà ce qu’on ignore : de ces deux hypothèses également admissibles, la dernière a prévalu. Quoi qu’il en soit, Lesage abandonna en 1692 des fonctions qui ne convenoient ni à ses goûts ni à son caractère, et vint se fixer à Paris.

Alors, il suivit les cours de l’Université, et s’adonna pendant quelque temps à l’étude de la philosophie et à celle du droit. Au collège des jésuites, il fit la connoissance de Danchet, avec lequel il se lia d’une manière intime, et qui lui suggéra plus tard l’idée de son premier ouvrage.

Lesage possédoit, avec un esprit brillant, des dehors distingués, des manières de bonne compagnie qui le firent bien accueillir par-tout et rechercher de tout le monde : il devint même un homme à la mode, et s’il