Scène PREMIÈRE
Ah, te voilà, bourreau !
Parlons sans emportement.
Coquin !
Laissons là, je vous prie, nos qualités. De quoi vous plaignez-vous ?
De quoi je me plains, traître ! Tu m’avais demandé congé pour huit jours, et il y a plus d’un mois que je ne t’ai vu. Est-ce ainsi qu’un valet doit servir ?
Parbleu, Monsieur, je vous sers comme vous me payez. Il me semble que l’un n’a pas plus de sujet de se plaindre que l’autre.
Je voudrais bien savoir d’où tu peux venir ?
Je viens de travailler à ma fortune. J’ai été en Touraine avec un chevalier de mes amis faire une petite expédition.
Quelle expédition ?
Lever un droit qu’il s’est acquis sur les gens de province par sa manière de jouer.
Tu viens donc fort à propos, car je n’ai point d’argent ; et tu dois être en état de m’en prêter.
Non, Monsieur, nous n’avons pas fait une heureuse pêche. Le poisson a vu l’hameçon, il n’a point voulu mordre à l’appât.
Le bon fonds de garçon que voilà ! Écoute Crispin, je veux bien te pardonner le passé : j’ai besoin de ton industrie.
Quelle clémence !
Je suis dans un grand embarras.
Vos créanciers s’impatientent-ils ? Ce gros marchand à qui vous avez fait un billet de neuf cents francs pour trente pistoles d’étoffe qu’il vous a fournie, aurait-il obtenu sentence contre vous ?
Non.
Ah j’entends. Cette généreuse marquise qui alla elle-même payer votre tailleur qui vous avait fait assigner, a découvert que nous agissions de concert avec lui.
Ce n’est point cela, Crispin. Je suis devenu amoureux.
Oh oh ! Et de qui, par aventure ?
D’Angélique, fille unique de Monsieur Oronte.
Je la connais de vue, peste la jolie figure ! Son père, si je ne me trompe, est un bourgeois qui demeure en ce logis, et qui est très riche.
Oui, il a trois grandes maisons dans les plus beaux quartiers de Paris.
L’adorable personne qu’Angélique !
De plus il passe pour avoir de l’argent comptant.