Page:Lesage - Œuvres, Didot, 1877.djvu/763

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

faisons ensemble toutes sortes de débauches ; cela m'amuse, cela me détourne de mal faire. Crispin. L'innocente vie ! La Branche. N'est-il pas vrai ? Crispin. Assurément. Mais dis-moi, La Branche, qu'es-tu venu faire à Paris ? où vas-tu ? La Branche. Je vais dans cette maison. Crispin. Chez Monsieur Oronte ? La Branche. Sa fille est promise à Damis. Crispin. Angélique promise à ton maître ? La Branche. Monsieur Orgon père de Damis était à Paris il y a quinze jours, j'y étais avec lui; nous allâmes voir Monsieur Oronte qui est de ses anciens amis, et ils arrêtèrent entre eux ce mariage. Crispin. C'est donc une affaire résolue. La Branche. Oui, le contrat est déjà signé des deux pères et de Madame Oronte ; la dot qui est de vingt mille écus en argent comptant est toute prête, on n'attend que l'arrivée de Damis pour terminer la chose. Crispin. Ah parbleu cela étant, Valère mon maître n'a donc qu'à chercher fortune ailleurs. La Branche. Quoi ton maître ? Crispin. Il est amoureux de cette même Angélique : mais puisque Damis... La Branche. Oh Damis n'épousera point Angélique, il y a une petite difficulté. Crispin. Eh quelle ? La Branche. Pendant que son père le mariait ici, il s'est marié à Chartres lui. Crispin. Comment donc ? La Branche. Il aimait une jeune personne avec qui il avait fait les choses, de manière qu'au retour du bonhomme Orgon, il s'est fait en secret une assemblée de parents. La fille est de condition, Damis a été obligé de l'épouser. Crispin. Oh cela change la thèse. La Branche. J'ai trouvé les habits de noces de mon maître tout faits, j'ai ordre de les emporter à Chartres, aussitôt que j'aurai vu Monsieur et Madame Oronte, et retiré la parole de Monsieur Orgon. Crispin. Retirer la parole de Monsieur Orgon ! La Branche. C'est ce qui m'amène à Paris, sans adieu Crispin, nous nous reverrons. Crispin. Attends La Branche, attends mon enfant, il me vient une idée, dis-moi un peu, ton maître est-il connu de Monsieur Oronte ? La Branche. Ils ne se sont jamais vus. Crispin. Ventrebleu si tu voulais, il y aurait un beau coup à faire ; mais après ton aventure du Châtelet, je crains que tu ne manques de courage. La Branche. Non non, tu n'as qu'à dire, une tempête essuyée n'empêche point un bon matelot de se remettre en mer. Parle ; de quoi s'agit-il ? est-ce que tu voudrais faire passer ton maître pour Damis ? et lui faire épouser. Crispin. Mon maître ! fi donc, voilà un plaisant gueux pour une fille comme Angélique. Je lui destine un meilleur parti. La Branche. Qui donc ? Crispin. Moi. La Branche. Malepeste tu as raison, cela n'est pas mal imaginé au moins. Crispin. Je suis aussi amoureux d'elle. La Branche. J'approuve ton amour. Crispin. Je prendrai le nom de Damis. La Branche. C'est bien dit. Crispin. J'épouserai Angélique. La Branche. J'y consens. Crispin. Je toucherai la dot. La Branche. Fort bien ! Crispin.