Page:Lesage - Œuvres, Didot, 1877.djvu/765

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Scène V

Mme Oronte, Lisette

Lisette,sans faire semblant de voir Madame Oronte. Il faut convenir que Madame Oronte est une des plus aimables femmes de Paris. Mme Oronte. Vous êtes flatteuse, Lisette. Lisette. Ah madame, je ne vous voyais pas ! Ces paroles que vous venez d'entendre, sont la suite d'un entretien que je viens d'avoir avec Mademoiselle Angélique au sujet de son mariage. Vous avez, lui disais-je, la plus judicieuse de toutes les mères, la plus raisonnable. Mme Oronte. Effectivement Lisette, je ne ressemble guère aux autres femmes. C'est toujours la raison qui me détermine. Lisette. Sans doute. Mme Oronte. Je n'ai ni entêtement ni caprice. Lisette. Et avec cela vous êtes la meilleure mère du monde ; je mets en fait que si votre fille avait de la répugnance à épouser Damis, vous ne voudriez pas contraindre là-dessus son inclination. Mme Oronte. Moi la contraindre ! moi gêner ma fille ! à Dieu ne plaise que je fasse la moindre violence à ses sentiments. Dites-moi,isette, aurait-elle de l'aversion pour Damis ? Lisette. Eh mais... Mme Oronte. Ne me cachez rien. Lisette. Puisque vous voulez savoir les choses, Madame, je vous dirai qu'elle a de la répugnance pour ce mariage. Mme Oronte. Elle a peut-être une passion dans le cœur. Lisette. Oh ! Madame, c'est la règle. Quand une fille a de l'aversion pour un homme qu'on lui destine pour mari, cela suppose toujours qu'elle a de l'inclination pour un autre. Vous m'avez dit, par exemple, que vous haïssiez Monsieur Oronte la première fois qu'on vous le proposa, parce que vous aimiez un officier qui mourut au siège de Candie. Mme Oronte. Il est vrai que si ce pauvre garçon ne fût pas mort, je n'aurais jamais épousé Monsieur Oronte. Lisette. Hé bien, Madame, Mademoiselle votre fille est dans la même disposition où vous étiez avant le siège de Candie. Mme Oronte. Eh ! qui est donc le cavalier qui a trouvé le secret de lui plaire ? Lisette. C'est ce jeune gentilhomme qui vient jouer chez vous depuis quelques jours. Mme Oronte. Qui ? Valère ? Lisette. Lui-même. Mme Oronte. À propos vous m'en faites souvenir, il nous regardait hier Angélique et moi avec des yeux si passionnés ! Êtes-vous bien assurée, Lisette, que c'est de ma fille qu'il est amoureux ? Lisette, fait signe à Angélique de s'approcher. Oui, Madame, il me l'a dit lui-même, et il m'a chargée de vous prier de sa part de trouver bon qu'il vienne vous en faire la demande.


Scène VI

Mme Oronte, Angélique, Lisette

Angélique. Pardonnez, Madame, si mes sentiments ne sont pas conformes aux vôtres, mais vous savez... Mme Oronte. Je sais bien qu'une fille ne règle pas toujours les mouvements de son cœur sur les vues de ses parents ; mais je suis tendre, je suis bonne, j'entre dans vos peines. En un mot j'agrée la recherche de Valère. Angélique. Je ne puis vous exprimer, Madame, tout le ressentiment que j'ai de vos bontés. Lisette. Ce n'est pas assez, Madame ; Monsieur Oronte est un petit opiniâtre, si vous ne soutenez pas avec vigueur... Mme Oronte. Oh n'ayez point d'inquiétude là-dessus ; je prends Valère sous ma protection, ma fille n'aura point d'autre époux que lui, c'est moi qui vous le dis ; mon mari vient, vous allez voir de quel ton je vais lui parler.


Scène VII

Mme Oronte, M. Oronte, Angélique, Lisette

{{personnage|M