donne, et à madame sa cousine, à souper ici ce soir.
Très-volontiers.
Je vais ordonner chez Fite[1] toutes sortes de ragoûts, avec vingt-quatre bouteilles de vin de Champagne ; et, pour égayer le repas, vous aurez des voix et des instruments.
De la musique, Frontin ?
Oui, madame ; à telles enseignes que j’ai ordre de commander cent bouteilles de Surène, pour abreuver la symphonie.
Cent bouteilles ?
Ce n’est pas trop, madame. Il y aura huit concertants, quatre Italiens de Paris, trois chanteuses et deux gros chantres.
Il a, ma foi, raison ; ce n’est pas trop. Ce repas sera fort joli.
Oh, diable ! quand M. le chevalier donne des soupers comme cela, il n’épargne rien, monsieur.
J’en suis persuadé.
Il semble qu’il ait à sa disposition la bourse d’un partisan.
Il veut dire qu’il fait les choses fort magnifiquement.
Qu’il est ingénu !… (A Frontin.) Eh bien ! nous verrons cela tantôt… (À la baronne.) Et, pour surcroît de réjouissance, j’amènerai ici M. Gloutonneau le poète : aussi bien je ne saurois manger si je n’ai quelque bel esprit à ma table.
Vous me ferez plaisir. Cet auteur apparemment est fort brillant dans la conversation ?
Il ne dit pas quatre paroles dans un repas ; mais il mange et pense beaucoup. Peste ! c’est un homme bien agréable…. Oh ! çà, je cours chez Dautel[2] vous acheter….
Prenez garde à ce que vous ferez, je vous en prie ; ne vous jetez point dans une dépense…
Eh ! fi ! madame, fi ! vous vous arrêtez à des minuties. Sans adieu, ma reine.
J’attends votre retour impatiemment.
(M. Turcaret sort.)
Scène VII.
Enfin te voilà en train de faire ta fortune.
Oui, madame ; et en état de ne pas nuire à la vôtre.
C’est à présent, Frontin, qu’il faut donner l’essor à ce génie supérieur.
On tâchera de vous prouver qu’il n’est pas médiocre.
Quand m’amènera-t-on cette fille ?
Je l’attends ; je lui ai donné rendez-vous ici.
Tu m’avertiras quand elle sera venue.
(Elle passe dans sa chambre.)
Scène VIII.
Courage ! Frontin, courage ! mon ami ; la fortune t’appelle. Te voilà placé chez un homme d’affaires, par le canal d’une coquette. Quelle joie ! l’agréable perspective ! Je m’imagine que toutes les choses que je vais toucher vont se convertir en or… (Voyant paraître Lisette.) Mais j’aperçois ma pupille.
Scène IX.
Tu sois la bienvenue, Lisette ! On t’attend avec impatience dans cette maison.
J’y entre avec une satisfaction dont je tire un bon augure.