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LIVRE DEUXIÈME


CHAPITRE PREMIER

Fabrice mène et fait recevoir Gil Blas chez le licencié Sedillo. Dans quel état était ce chanoine. Portrait de sa gouvernante.


Nous avions si grand’peur d’arriver trop tard chez le vieux licencié, que nous ne fîmes qu’un saut du cul-de-sac à sa maison. Nous en trouvâmes la porte fermée : nous frappâmes. Une fille de dix ans, que la gouvernante faisait passer pour sa nièce en dépit de la médisance, vint ouvrir : et comme nous lui demandions si l’on pouvait parler au chanoine, la dame Jacinte parut. C’était une personne déjà parvenue à l’âge de discrétion, mais belle encore ; et j’admirai particulièrement la fraîcheur de son teint. Elle portait une longue robe d’une étoffe de laine la plus commune, avec une large ceinture de cuir, d’où pendaient d’un côté un trousseau de clefs, et de l’autre un chapelet à gros grains. D’abord que nous l’aperçûmes, nous la saluâmes avec beaucoup de respect ; elle nous rendit le salut fort civilement, mais d’un air modeste et les yeux baissés.

J’ai appris, lui dit mon camarade, qu’il faut un honnête garçon au seigneur licencié Sedillo, et je viens lui en présenter un dont j’espère qu’il sera content. La gouvernante leva les yeux à ces paroles, me regarda fixement ; et, ne pouvant accorder ma broderie avec le