Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/117

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elle eut encore de bonnes nippes, qu’à l’aide de son bon ami elle avait détournées pendant la maladie du licencié.


CHAPITRE III

Gil Blas s’engage au service du docteur Sangrado, et devient un célèbre médecin.


Je résolus d’aller trouver le seigneur Arias de Londona, et de choisir dans son registre une nouvelle condition ; mais, comme j’étais près d’entrer dans le cul-de-sac où il demeurait, je rencontrai le docteur Sangrado, que je n’avais point vu depuis le jour de la mort de mon maître, et je pris la liberté de le saluer. Il me remit dans le moment, quoique j’eusse changé d’habit ; et témoignant quelque joie de me voir : Eh ! te voilà, mon enfant, me dit-il, je pensais à toi tout à l’heure. J’ai besoin d’un bon garçon pour me servir, et je songeais que tu serais bien mon fait, si tu savais lire et écrire. Monsieur, lui répondis-je, sur ce pied-là je suis donc votre affaire. Cela étant, reprit-il, tu es l’homme qu’il me faut. Viens chez moi, tu n’y auras que de l’agrément ; je te traiterai avec distinction. Je ne te donnerai point de gages ; mais rien ne te manquera. J’aurai soin de t’entretenir proprement, et je t’enseignerai le grand art de guérir toutes les maladies. En un mot, tu seras plutôt mon élève que mon valet.

J’acceptai donc la proposition du docteur, dans l’espérance que je pourrais, sous un si savant maître, me rendre illustre dans la médecine. Il me mena chez lui sur-le-champ, pour m’installer dans l’emploi qu’il me destinait ; et cet emploi consistait à écrire le nom et la demeure des malades qui l’envoyaient chercher pendant qu’il était en ville. Il y avait pour cet effet au logis un registre, dans lequel une vieille servante, qu’il avait