Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/181

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J’acceptai l’offre de Melendez avec d’autant plus de joie que mes finances diminuaient à vue d’œil ; mais je ne lui fus pas longtemps à charge. Au bout de huit jours, il me dit qu’il venait de me proposer à un cavalier de sa connaissance qui avait besoin d’un valet de chambre, et, que, selon toutes les apparences, ce poste ne m’échapperait pas. En effet, ce cavalier étant survenu dans le moment : Seigneur, lui dit Melendez en me montrant, vous voyez le jeune homme dont je vous ai parlé. C’est un garçon qui a de l’honneur et de la morale ; je vous en réponds comme de moi-même. Le cavalier me regarda fixement, dit que ma physionomie lui plaisait, et qu’il me prenait à son service. Il n’a qu’à me suivre, ajouta-t-il ; je vais l’instruire de ses devoirs. À ces mots, il donna le bonjour au marchand, et m’emmena dans la grande rue, tout devant l’église de Saint-Philippe. Nous entrâmes dans une assez belle maison, dont il occupait une aile ; nous montâmes un escalier de cinq ou six marches, puis il m’introduisit dans une chambre fermée de deux bonnes portes, qu’il ouvrit, et dont la première avait au milieu une petite fenêtre grillée. De cette chambre nous passâmes dans une autre, où il y avait un lit et d’autres meubles qui étaient plus propres que riches.

Si mon maître m’avait bien considéré chez Melendez, je l’examinai à mon tour avec beaucoup d’attention. C’était un homme de cinquante et quelques années qui avait l’air froid et sérieux. Il me parut d’un naturel doux, et je ne jugeai point mal de lui. Il me fit plusieurs questions sur ma famille ; et, satisfait de mes réponses : Gil Blas, me dit-il, je te crois un garçon fort raisonnable ; je suis bien aise de t’avoir à mon service. De ton côté, tu seras content de ta condition. Je te donnerai par jour six réaux, tant pour ta nourriture et pour ton entretien que pour tes gages, sans préjudice des petits profits que tu pourras faire chez moi. D’ailleurs, je ne suis pas difficile à servir ; je ne fais point d’ordinaire ;