Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/231

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que je vous en ai faite dans la chambre du roi me paraît trop légère en ce moment. Je veux mieux réparer cette injure ; et, pour en effacer entièrement l’infamie, je vous offre une de mes nièces, dont je puis disposer. C’est une riche héritière, qui n’a pas quinze ans, et qui est encore plus belle que jeune.

Je fis là-dessus au prince tous les compliments que l’honneur d’entrer dans son alliance me put inspirer, et j’épousai sa nièce peu de jours après ; Toute la cour félicita ce seigneur d’avoir fait la fortune d’un cavalier qu’il avait couvert d’ignominie, et mes amis se réjouirent avec moi de l’heureux dénoûment d’une aventure qui devait avoir une plus triste fin. Depuis ce temps, messieurs, je vis agréablement à Varsovie ; je suis aimé de mon épouse ; et j’en suis encore amoureux. Le prince Radzivill me donne tous les jours de nouveaux témoignages d’amitié, et j’ose me vanter d’être assez bien dans l’esprit du roi de Pologne. L’importance du voyage que je fais par son ordre à Madrid m’assure de son estime.


CHAPITRE VIII

Quel accident obligea Gil Blas à chercher une nouvelle condition.


Telle fut l’histoire que don Pompeyo raconta, et que nous entendîmes, le valet de don Alexo et moi, bien qu’on eût pris la précaution de nous renvoyer avant qu’il en commençât le récit. Au lieu de nous retirer, nous nous étions arrêtés à la porte, que nous avions laissée entr’ouverte, et de là nous n’en avions pas perdu un mot. Après cela, ces seigneurs continuèrent de boire ; mais ils ne poussèrent pas la débauche jusqu’au jour, attendu que don Pompeyo, qui devait parler le matin au premier ministre, était bien aise auparavant de se reposer un peu. Le marquis de Zenette et mon maître