Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/374

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que moi. Tu n’as donc plus, lui dis-je, d’inquiétude ? Oh ! pour cela, non, répondit-il ; je ne crains plus le seigneur Pedro ; qu’il vienne présentement ici tant qu’il lui plaira. Nous voilà, Morales et moi, fermes sur nos étriers. Nous commençâmes à régler la route que nous prendrions avec la dot, sur laquelle nous comptions si bien, que, si nous l’eussions déjà touchée, nous n’aurions pas cru être plus sûrs de l’avoir. Nous ne la tenions pas toutefois encore, et le dénoûment de l’aventure ne répondit pas à notre confiance.

Nous vîmes bientôt revenir le jeune homme de Calatrava. Il était accompagné de deux bourgeois, et d’un alguazil aussi respectable par sa moustache et sa mine brune que par sa charge. Le père de Florentine était avec nous. Seigneur de Moyadas, lui dit Pedro, voici trois honnêtes gens que je vous amène ; ils me connaissent, et peuvent vous dire qui je suis. Oui, certes, s’écria l’alguazil, je puis le dire ; je le certifie à tous ceux qu’il appartiendra, je vous connais : vous vous appelez Pedro, et vous êtes fils unique de Juan Velez de la Membrilla ; quiconque ose soutenir le contraire est un imposteur. Je vous crois, monsieur l’alguazil, dit alors le bonhomme Jérôme de Moyadas. Votre témoignage est sacré pour moi, aussi bien que celui des seigneurs marchands qui sont avec vous. Je suis pleinement convaincu que le jeune cavalier qui vous a conduit ici est le fils unique du correspondant de mon frère. Mais que m’importe ? Je ne suis plus dans la résolution de lui donner ma fille ; j’ai changé de sentiment.

Oh ! c’est une autre affaire, dit l’alguazil. Je ne viens dans votre maison que pour vous assurer que ce jeune homme m’est connu. Vous êtes certainement maître de votre fille, et l’on ne saurait vous contraindre à la marier malgré vous. Je ne prétends pas non plus, interrompit Pedro, faire violence aux volontés du seigneur Moyadas, qui peut disposer de sa fille comme bon lui semblera ; mais il me permettra de lui demander pour-