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LIVRE SIXIÈME


CHAPITRE PREMIER

De ce que Gil Blas et ses compagnons firent après avoir quitté le comte de Polan ; du projet important qu’Ambroise forma et de quelle manière il fut exécuté.


Le comte de Polan, après avoir passé la moitié de la nuit à nous remercier et à nous assurer que nous pouvions compter sur sa reconnaissance, appela l’hôte pour le consulter sur les moyens de se rendre sûrement à Tunis, où il avait dessein d’aller. Nous laissâmes ce seigneur prendre ses mesures là-dessus. Nous sortîmes ensuite de l’hôtellerie, et suivîmes la route qu’il plut à Lamela de choisir.

Après deux heures de chemin, le jour nous surprit auprès de Campillo. Nous gagnâmes promptement les montagnes qui sont entre ce bourg et Requena. Nous y passâmes la journée à nous reposer et à compter nos finances, que l’argent des voleurs avait fort augmentées ; car on avait trouvé dans leurs poches plus de trois cents pistoles en toutes sortes d’espèces. Nous nous remîmes en marche au commencement de la nuit, et le lendemain matin nous entrâmes dans le royaume de Valence. Nous nous retirâmes dans le premier bois qui s’offrit à nos yeux. Nous nous y enfonçâmes, et nous arrivâmes à un endroit où coulait un ruisseau d’une onde cristalline qui allait joindre lentement les eaux du Guadalaviar. L’ombre que les arbres nous