Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/198

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dans le royaume de Valence m’embarquer à Denia. Je passai en Italie, où je me mis en état de parcourir les cours et d’y paraître avec agrément.

Tandis que, loin de mon Hélène, je me disposais à tromper, autant qu’il me serait possible, mon amour et mes ennuis, cette dame, à Coria, pleurait en secret mon absence. Au lieu d’applaudir aux poursuites que sa famille faisait contre moi au sujet de la mort d’Olighera, elle souhaitait au contraire qu’un prompt accommodement les fît cesser et hâtât mon retour. Six mois s’étaient déjà écoulés depuis qu’elle m’avait perdu, et je crois que sa constance aurait toujours triomphé du temps, si elle n’eût eu que le temps à combattre ; mais elle eut des ennemis encore plus puissants. Don Blas de Combados, gentilhomme de la côte occidentale de Galice, vint à Coria recueillir une riche succession qui lui avait été vainement disputée par don Miguel de Caprara, son cousin, et il s’établit dans ce pays-là, le trouvant plus agréable que le sien. Combados était bien fait. Il paraissait doux et poli, et il avait l’esprit du monde le plus insinuant. Il eut bientôt fait connaissance avec tous les honnêtes gens de la ville, et sut toutes les affaires des uns et des autres.

Il n’ignora pas longtemps que don George avait une fille dont la beauté dangereuse semblait n’enflammer les hommes que pour leur malheur. Cela piqua sa curiosité ; il eut envie de voir une dame si redoutable. Il rechercha pour cet effet l’amitié de son père, et sut si bien la gagner, que le vieillard, le regardant déjà comme un gendre, lui donna l’entrée de la maison, et la liberté de parler en sa présence à dona Helena. Le Galicien ne tarda guère à devenir amoureux d’elle : c’était un sort inévitable. Il ouvrit son cœur à don George, qui lui dit qu’il agréait sa recherche, mais que ne voulant pas contraindre sa fille, il la laissait maîtresse de sa main. Là-dessus, don Blas mit en usage toutes les galanteries dont il put s’aviser pour plaire à cette