Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/218

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santé du monde, et de trouver en même temps l’occasion d’apprendre des nouvelles de mes chers seigneurs don César et don Alphonse de Leyva. Je puis vous en dire de certaines, me répondit-il, puisqu’ils sont tous deux actuellement a Madrid, et de plus logés dans ma maison. Il y a près de trois mois qu’ils sont venus dans cette ville, pour remercier le roi d’un bienfait que don Alphonse a reçu en reconnaissance des services que ses aïeux ont rendus à l’État. Il a été fait gouverneur de la ville de Valence, sans qu’il ait demandé ce poste, ni prié personne de le solliciter pour lui. Rien n’est plus gracieux, et cela fait voir que notre monarque aime à récompenser la valeur.

Quoique je susse mieux que Steinbach ce qu’il en fallait penser, je ne fis pas semblant d’avoir la moindre connaissance de ce qu’il me contait. Je lui témoignai une si vive impatience de saluer mes anciens maîtres, que, pour la satisfaire, il me mena chez lui sur-le-champ. J’étais curieux d’éprouver don Alphonse et de juger, par la réception qu’il me ferait, s’il lui restait encore quelque affection pour moi. Je le trouvai dans une salle où il jouait aux échecs avec la baronne de Steinbach. Il quitta le jeu et se leva dès qu’il m’aperçut. Il s’avança vers moi avec transport, et me pressant la tête entre ses bras : Santillane, me dit-il d’un air qui marquait une véritable joie, vous m’êtes donc enfin rendu ! J’en suis charmé. Il n’a pas tenu à moi que nous n’ayons toujours été ensemble. Je vous avais prié, s’il vous en souvient, de ne vous pas retirer du château de Leyva. Vous n’avez point eu d’égard à ma prière. Je ne vous en fais pourtant pas un crime ; je vous sais même bon gré du motif de votre retraite. Mais depuis ce temps-là, vous auriez dû me donner de vos nouvelles, et m’épargner la peine de vous faire chercher inutilement à Grenade, où don Fernand, mon beau-frère, m’avait mandé que vous étiez.

Après ce petit reproche, continua-t-il, apprenez-moi