Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/257

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Lucinde, d’un air qui marquait beaucoup d’humilité, ne devraient pas concevoir une pareille espérance ; mais le repentir des pécheurs leur fait trouver grâce auprès du Père des miséricordes. Et vous, Seigneur Gil Blas, ajouta-t-il, ne songez-vous pas aussi à mériter qu’il vous pardonne les offenses que vous lui avez faites ? Quelles affaires vous amènent à Valence ? N’y rempliriez-vous point par malheur quelque emploi dangereux ? Non, Dieu merci, lui répondis-je : depuis que j’ai quitté la cour, je mène une vie d’honnête homme ; tantôt dans une terre que j’ai à quelques lieues de cette ville, je prends tous les plaisirs de la campagne ; et tantôt je viens me réjouir avec le gouverneur de Valence qui est mon ami, et que vous connaissez tous deux parfaitement.

Alors je leur contai l’histoire de don Alphonse de Leyva. Ils l’écoutèrent avec attention ; et quand je leur dis que j’avais porté, de la part de ce seigneur, à Samuel Simon les trois mille ducats que nous lui avions volés, Lamela m’interrompit ; et, adressant la parole à Raphaël : Père Hilaire, lui dit-il, à ce compte-là ce bon marchand ne doit plus se plaindre d’un vol qui lui a été restitué avec usure, et nous devons tous deux avoir la conscience bien en repos sur cet article. Effectivement, dit le saint procureur, le frère Ambroise et moi, avant que d’entrer dans ce couvent, nous fîmes secrètement tenir quinze cents ducats à Samuel Simon par un honnête ecclésiastique qui voulut bien se donner la peine d’aller à Xelva faire cette restitution : tant pis pour Samuel s’il a été capable de toucher cette somme après avoir été remboursé du tout par le seigneur de Santillane ! Mais, leur dis-je, vos quinze cents ducats lui ont-ils été fidèlement remis ? Sans doute, s’écria don Raphaël, je répondrais de l’intégrité de l’ecclésiastique comme de la mienne. J’en serais aussi la caution, dit Lamela ; c’est un saint prêtre accoutumé à ces sortes de commissions, et qui a eu, pour des dépôts