Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/300

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tôt fait, s’il plaît au Seigneur. Je connais un vieux dominicain, nommé le père Alexis, qui est un saint religieux, un grand directeur. J’ai l’honneur d’être son commissionnaire, et je m’acquitte de cet emploi avec tant de discrétion et de fidélité, qu’il ne refuse point d’employer son crédit pour moi et pour mes amis. Je lui ai parlé de vous, et je l’ai mis dans la disposition de vous rendre service. Je vous présenterai à Sa Révérence quand il vous plaira.

Il n’y a pas un moment à perdre, dis-je au vieux mendiant, allons voir tout à l’heure ce bon religieux. Le pauvre y consentit, et me mena sur-le-champ au père Alexis, que nous trouvâmes occupé dans sa chambre à écrire des lettres spirituelles. Il interrompit son travail pour me parler. Il me dit qu’à la prière du mendiant il voulait bien s’intéresser pour moi. Ayant appris, poursuivit-il, que le seigneur Baltazar Velasquez avait besoin d’un laquais, je lui ai écrit ce matin en votre faveur, et il vient de me faire réponse qu’il vous recevrait aveuglément de ma main. Vous pouvez dès ce jour le voir de ma part ; c’est mon pénitent et mon ami. Là-dessus le moine m’exhorta pendant trois bons quarts d’heure à bien remplir mes devoirs. Il s’étendit principalement sur l’obligation où j’étais de servir Velasquez avec zèle ; après quoi il m’assura qu’il aurait soin de me maintenir dans mon poste, pourvu que mon maître n’eût point de reproche à me faire.

Après avoir remercié le religieux des bontés qu’il avait pour moi, je sortis du monastère avec le mendiant, qui me dit que le seigneur Baltazar Velasquez était un vieux marchand de drap, un homme riche, simple et débonnaire. Je ne doute pas, ajouta-t-il, que vous ne soyez parfaitement bien dans sa maison, qu’à votre place je préférerais à une maison de qualité. Je m’informai de la demeure du bourgeois, et je m’y rendis sur-le-champ, après avoir promis au gueux de reconnaître ses bons offices sitôt que j’aurais pris racine dans ma