Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/371

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sans porter aucun préjudice aux intérêts de Son Excellence, qui doivent être sacrés pour lui.

Scipion, charmé d’avoir cet emploi, se hâta de partir pour Séville avec mille écus que je lui comptai, pour acheter dans l’Andalousie du vin et de l’huile, et le mettre en état de trafiquer pour son compte dans les Indes. Cependant, tout ravi qu’il était de faire un voyage dont il espérait tirer tant de profit, il ne put me quitter sans répandre des pleurs, et je ne vis pas de sang-froid son départ.


CHAPITRE XII

Don Alphonse de Leyva vient à Madrid ; motif de son voyage. De l’affliction qu’eut Gil Blas et de la joie qui la suivit.


À peine eus-je perdu Scipion, qu’un page du ministre m’apporta un billet qui contenait ces paroles : Si le seigneur de Santillane veut se donner la peine de se rendre à l’image Saint-Gabriel, dans la rue de Tolède, il y verra un de ses meilleurs amis.

Quel peut être cet ami qui ne se nomme point ? dis-je en moi-même. Pourquoi me cache-t-il son nom ? Il veut apparemment me causer le plaisir de la surprise. Je sortis sur-le-champ, je pris le chemin de la rue de Tolède ; et, en arrivant au lieu marqué, je ne fus pas peu étonné d’y trouver don Alphonse de Leyva. Que vois-je ? m’écriai-je. Vous ici, Seigneur ! Oui, mon cher Gil Blas, répondit-il en me serrant étroitement entre ses bras, c’est don Alphonse lui-même qui s’offre à votre vue. Eh ! qui vous amène à Madrid ? lui dis-je. Je vais vous surprendre, me repartit-il, et vous affliger, en vous apprenant le sujet de mon voyage. On m’a ôté le gouvernement de Valence, et le premier ministre me mande