Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/84

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conscience. Il a depuis peu mis au théâtre une pièce qui a eu une réussite extraordinaire, et il la fait imprimer pour n’abuser pas plus longtemps de l’estime du public.

Le charitable élève de Gongora se préparait à continuer de m’expliquer les figures du tableau changeant que nous avions devant les yeux, lorsqu’un gentilhomme du duc de Medina Sidonia vint l’interrompre en lui disant : Seigneur don Fabricio, je vous cherchais pour vous avertir que M. le duc voudrait bien vous parler. Il vous attend chez lui. Nunez, qui savait qu’on ne peut satisfaire assez tôt un grand seigneur qui souhaite quelque chose, me quitta dans le moment même pour aller trouver son Mecenas, me laissant fort étonné de l’avoir entendu traiter de don, et de le voir ainsi devenu noble, en dépit de maître Chrysostôme le barbier, son père.


CHAPITRE XIV

Fabrice place Gil Blas auprès du comte Galiano, seigneur sicilien.


J’avais trop d’envie de revoir Fabrice, pour n’être pas chez lui le lendemain de grand matin. Je donne le bonjour, lui dis-je en entrant, au seigneur don Fabricio, la fleur ou plutôt le champignon de la noblesse asturienne. À ces paroles, il se mit à rire. Tu as donc remarqué, s’écria-t-il, qu’on m’a traité de don ? Oui, mon gentilhomme, lui répondis-je ; et vous me permettrez de vous dire qu’hier, en me contant votre métamorphose, vous oubliâtes le meilleur. D’accord, répliqua-t-il ; mais en vérité, si j’ai pris ce titre d’honneur, c’est moins pour contenter ma vanité que pour m’accommoder à celle des autres. Tu connais les Espagnols ; ils ne