Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/134

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sasiés, la bûcheronne dit : « Hélas ! où sont maintenant nos pauvres enfants ? Ils feraient bonne chère de ce qui nous reste là. Mais aussi, Guillaume, c’est toi qui les as voulu perdre ; j’avais bien dit que nous nous en repentirions. Que font-ils maintenant dans cette forêt ? Hélas ! mon Dieu, les loups les ont peut-être déjà mangés ! Tu es bien inhumain d’avoir perdu ainsi tes enfants ! »

Le bûcheron s’impatienta à la fin ; car elle redit plus de vingt fois qu’il s’en repentirait, et qu’elle l’avait bien dit. Il la menaça de la battre, si elle ne se taisait. Ce n’est pas que le bûcheron ne fût peut-être encore plus lâché que sa femme ; mais c’est qu’elle lui rompait la tête, et qu’il était de l’humeur de beaucoup d’autres gens qui aiment fort les femmes qui disent bien, mais qui trouvent très importunes celles qui ont toujours bien dit.

La bûcheronne était tout en pleurs : « Hélas ! où sont maintenant mes enfants, mes pauvres enfants ! » Elle le dit une fois si haut, que les enfants, qui étaient à la porte, l’ayant entendue, se mirent à crier tous ensemble : « Nous voilà, nous voilà ! » Elle courut vite leur ouvrir la porte, et leur dit en les embrassant : « Que je suis aise de vous revoir, mes chers enfants ! Vous êtes bien las, vous avez bien faim ; et toi, Pierrot, comme te voilà crotté ; viens que je te débarbouille. » Ce Pierrot était son fils aîné, qu’elle aimait plus que tous les autres, parce qu’il était un peu rousseau et qu’elle était un peu rousse.

Ils se mirent à table, et mangèrent d’un appétit qui faisait plaisir au père et à la mère, à qui ils racontaient la peur qu’ils avaient eue dans la forêt, en parlant presque toujours tous ensemble. Ces bonnes gens étaient ravis de revoir leurs