Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/142

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sautèrent par-dessus les murailles. Ils coururent presque toute la nuit, toujours en tremblant, et sans savoir où ils allaient.

L’Ogre, s’étant éveillé, dit à sa femme : « Va-t’en là-haut habiller ces petits drôles d’hier soir. » L’Ogresse fut fort étonnée de la bonté de son mari, ne se doutant point de la manière qu’il entendait qu’elle les habillât, et croyant qu’il lui ordonnait de les aller vêtir. Elle monta en haut, où elle fut bien épouvantée, lorsqu’elle aperçut ses sept filles égorgées et nageant dans leur sang…

Elle commença par s’évanouir, car c’est le premier expédient que trouvent presque toutes les femmes en pareilles rencontres. L’Ogre, craignant que sa femme ne fût trop longtemps à faire la besogne dont il l’avait chargée, monta en haut pour lui aider. Il ne fut pas moins étonné que sa femme lorsqu’il vit cet affreux spectacle. « Ah ! qu’ai-je fait là ! s’écria-t-il. Ils me le payeront, les malheureux, et tout à l’heure ! »

Il jeta aussitôt une potée d’eau dans le nez de sa femme ; et l’ayant fait revenir : « Donne-moi vite mes bottes de sept lieues, lui dit-il, afin que j’aille les attraper. » Il se mit en campagne ; et, après avoir couru de tous les côtés, enfin il entra dans le chemin où marchaient les pauvres enfants, qui n’étaient plus qu’à cent pas du logis de leur père. Ils virent l’Ogre qui allait de montagne en montagne, et qui traversait des rivières aussi aisément qu’il aurait fait le moindre ruisseau. Le Petit-Poucet, qui vit un rocher creux proche du lieu où ils étaient, y fit cacher ses frères, et s’y fourra aussi, regardant toujours ce que l’Ogre deviendrait. L’Ogre, qui se trouvait fort las du long chemin qu’il avait fait inutilement