Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/151

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vais ménages, des liaisons tendres, des galanteries, non seulement de toute la cour, mais des plus petits bourgeois. Elle tenait registre de toutes les femmes qui exerçaient certaines rapines dans leur domestique, pour se donner une parure plus éclatante, et était informée précisément de ce que gagnait la suivante de la comtesse une telle, et le maître d’hôtel du marquis un tel. Pour être instruite de toutes ces petites choses, elle écoutait sa nourrice et sa couturière, avec plus de plaisir qu’elle n’aurait écouté un ambassadeur ; et ensuite elle étourdissait de ces belles histoires depuis le roi son père jusqu’à ses valets de pied ; car, pourvu qu’elle parlât, elle ne se souciait pas à qui.

La démangeaison de parler produisit encore un autre mauvais effet chez cette princesse. Malgré son grand rang, ses airs trop familiers donnèrent la hardiesse aux blondins de la cour de lui débiter des douceurs. Elle écouta leurs fleurettes sans façon, pour avoir le plaisir de leur répondre ; car, à quelque prix que ce fût, il fallait que, du matin au soir, elle écoutât ou caquetât. Babillarde, non plus que Nonchalante, ne s’occupait jamais ni à penser, ni à faire aucune réflexion, ni à lire ; elle s’embarrassait aussi peu d’aucun soin domestique, ni des amusements que produisent l’aiguille et le fuseau. Enfin ces deux sœurs, dans une éternelle oisiveté, ne faisaient jamais agir ni leur esprit ni leurs mains.

La sœur cadette de ces deux princesses était d’un caractère bien différent. Elle agissait incessamment de l’esprit et de sa personne ; elle avait une vivacité surprenante, et elle s’appliquait à en faire un bon usage. Elle savait parfaitement bien danser, chanter, jouer des instruments ; réussissait avec une adresse admirable à tous les petits travaux de la main