Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/157

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du roi son père ce trait de mauvaise foi que l’adresse de Finette avait fait retomber sur eux. Riche-Cautèle, qui n’aimait déjà guère le roi, père des princesses, avait achevé par là de le prendre en aversion ; ainsi, quand il sut les précautions que ce prince avait prises à l’égard de ses filles, il se fit un pernicieux plaisir de tromper la prudence d’un père si soupçonneux. Riche-Cautèle obtint la permission du roi son père d’aller faire un voyage, sous des prétextes qu’il inventa, et il prit des mesures qui le firent parvenir à entrer dans la tour des princesses, comme vous avez vu.

En examinant le château, ce prince remarqua qu’il était facile aux princesses de se faire entendre des passants, et il en conclut qu’il devait rester dans son déguisement pendant tout le jour, parce qu’elles pourraient bien, si elles s’en avisaient, appeler du monde et le faire punir de son entreprise téméraire. Il conserva donc toute la journée les habits et le personnage d’une gueuse de profession ; et le soir, lorsque les trois sœurs eurent soupé, Riche-Cautèle jeta les haillons qui le couvraient, et laissa voir des habits de cavalier, tout couverts d’or et de pierreries. Les pauvres princesses furent si épouvantées de cette vue, que toutes se mirent à fuir avec précipitation. Finette et Babillarde, qui étaient agiles, eurent bientôt gagné leur chambre ; mais Nonchalante, qui avait à peine l’usage de marcher, fut en un instant atteinte par le prince.

Aussitôt il se jeta à ses pieds, lui déclara qui il était, et lui dit que la réputation de sa beauté et ses portraits l’avaient engagé à quitter une cour délicieuse pour lui venir offrir ses vœux et sa foi. Nonchalante fut d’abord si éperdue, qu’elle ne pouvait répondre au prince, qui était toujours à genoux ;